Sud Ouest
Marmandais
Vendredi 13 janvier 2012, p. Marmandais-C2_5
Marmandais
Du monde au Coeur des remparts pour Mélenchon
Hier soir, les militants du Front de gauche s’étaient donné rendez-vous au café le Coeur des
remparts, pour une séance d’écoute collective, selon le mot d’ordre national largement diffusé.
En effet, l’invité de l’émission « Des paroles et des actes », présenté par David Pujadas sur France 2,
n’était autre que leur poulain pour l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. Après Marine Le
Pen et Alain Juppé, c’était au tour du président du Front de Gauche de se confronter à Nathalie Saint-Cricq et Fabien Namias.
Dans la salle, une quinzaine de partisans de Jean-Luc Mélenchon s’étaient réunis. Tous écoutés
religieusement. Avec des petits sourires de temps à autres quand le candidat du Front de gauche
lançait quelques piques.
Au cours de l’émission, il a parlé de son programme, mais il a également commenté l’actualité de
ces derniers jours, comme la reprise de SeaFrance et la TVA sociale.
Derrière, les militants ont pris le temps de débriefer.
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Le Front de gauche à Nantes
À cent jours de l’élection présidentielle, le Front de gauche est plus que jamais mobilisé pour
rencontrer les électeurs. Il organise samedi le premier meeting national de relance, après les
vacances scolaires, à Nantes, dans le département de Loire-Atlantique. Dès 14 heures le Zénith, à
Saint-Herblain, accueillera les « ateliers citoyens » sur une esplanade de 1 000 m², aménagée
comme la terrasse d’un vaste café. Ces ateliers sont censés permettre l’échange sur la dette
publique, l’euro, le vote « utile » ou encore sur le FN. À 18 heures débutera le meeting dans lequel
interviendra Martine Billard (coprésidente du Parti de gauche), Patrick Le Hyaric, député européen
PCF, et Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche à la présidentielle. Dans cette nouvelle
phase de campagne, l’alliance veut accentuer son discours sur la question sociale.
Le Monde
Politique, vendredi 13 janvier 2012, p. 8
Les réponses de Pierre Moscovici, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et Henri Guaino
LE MONDE a interrogé plusieurs candidats à la présidentielle ou leurs représentants sur les constats
de Dominique Goux et Eric Maurin à propos des classes moyennes. Voici leurs réponses.
» Les couches moyennes doivent retrouver confiance «
Pierre Moscovici, directeur de la campagne de François Hollande
Il faut se garder d’être trop générique, et pas forcément parler des couches moyennes en général,
car le terme recouvre une assez grande diversité sociale. Evoquer aussi bien un déclassement
général qu’une situation tendanciellement favorable est inexact.
Au sein de ce que l’on désigne sous le vocable » classes moyennes « , on trouve des insiders qui
continuent d’être aspirés vers le haut et des personnes qui ont la crainte du déclassement – celui-ci
étant parfois une réalité. Ces personnes sont concernées par la crise et ses effets : la précarité, qui
touche pas mal de diplômés, la dégradation de l’emploi, la stagnation du pouvoir d’achat. Beaucoup
sont préoccupées par l’avenir de la jeunesse – sujet majeur de la présidentielle. La Fondation Terra
Nova a forgé le concept de » Nouvelle France « , qui désigne l’alliance des modernes productifs,
comme devant être le coeur de l’électorat de gauche. Ce n’est pas de ce concept-là que nous
partons. Nous pensons qu’il faut accorder de l’importance aux couches moyennes, mais aussi se
préoccuper des couches populaires.
La base électorale de la gauche, qui n’est pas naturelle mais possible, c’est précisément l’alliance
des couches populaires en désarroi et des couches moyennes qui doivent retrouver confiance en
elles-mêmes et en leurs dirigeants. Le projet de François Hollande intègre largement ces craintes,
ces difficultés et cette nécessité d’avancer, qu’il s’agisse du » pacte productif « , qui donne la priorité
à l’industrie, fait du » made in France » une nécessité et met l’accent sur les PME et les PMI; du «
pacte redistributif « , qui vise à redonner de la justice sociale, au moyen, par exemple, de la fusion
par étape de l’impôt sur le revenu et de la CSG ou de la réforme du quotient familial; qu’il s’agisse,
enfin du » pacte éducatif « , car penser à la jeunesse, ce n’est pas seulement penser à une catégorie
d’âge mais au lien entre les générations et, au fond, à l’avenir de notre société.
» Plus d’espoir collectif «
Eva Joly, candidate Europe Ecologie-Les Verts
La ligne de fracture n’est pas entre les classes moyennes et le reste de la société, mais au sein des
classes moyennes elles-mêmes. Entre ceux qui croient encore à des lendemains meilleurs, et ceux
qui pensent que c’est déjà fini. C’est cette fragmentation multiple qui rend si difficile d’articuler un
projet collectif. Pourtant nous devons dire ensemble quelle société nous voulons.
En somme, ce que nous dit ce livre, c’est que les classes moyennes bricolent des stratégies de survie mais n’ont plus aucun espoir collectif. Les stratégies résidentielles individuelles en témoignent : on veut fuir la misère. Même chose pour le choix de l’école de son enfant : on tente de le protéger des ratés du système, sans illusion de pouvoir améliorer la situation de l’école. De la peur, naît alors le repli.
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a passé l’espoir au Kärcher et généralisé l’injustice. On ne lutte
pas contre la peur en l’alimentant et en surfant sur elle.
Changeons de perspective. Je pense qu’en matière d’emploi, de santé, de logement l’écologie
propose des solutions justes et durables à la crise. L’écologie est le grand projet du siècle qui naît,
parce que nous voulons protéger les bien communs.
Il est indispensable de s’adresser aux classes populaires et aux classes moyennes en même temps.
La restauration de l’intérêt général est à ce prix. Je veux faire du quinquennat qui vient celui de
l’égalité effective, qui reconnaît la différence pour mieux lutter contre les injustices. Ma priorité sera
celle de l’égalité territoriale. Il faut combattre la ségrégation géographique. C’est dans ce cadre que
je propose un engagement national pour le logement. En matière d’éducation, nous devons refuser
que perdure une école à deux vitesses. Plutôt que de se mettre au service d’une élite, nous devons
rapprocher les systèmes et pourquoi pas imaginer un nouveau bac qui donne sa chance à tous.
» L’impact de la précarisation est sous estimé «
Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche
La classe moyenne est une classe subjective. Il faut la définir par son niveau de revenus, aux
alentours de 2 000 euros mensuels par personne. Ou mieux comme une catégorie sociale très
qualifiée, ce qui lui permet de jouer un rôle important dans la production. Cette définition me
paraît la plus pertinente.
Le livre sous-estime l’impact de la précarisation croissante. La classe moyenne est confrontée à la
précarité, au moins à travers la situation de ses enfants. Ces derniers ont élevé leur niveau de
qualification mais n’arrivent pas à trouver un emploi stable. Et sans CDI, pas moyen d’avoir un
logement ou de faire un emprunt. C’est cette catégorie sociale qui est appelée à la rescousse,
pour ses enfants mais aussi pour ses aînés. Et il faut tout payer soi-même. Tous les outils du
collectif ont été rabougris, voire annulés.
Cette catégorie sociale est l’enjeu essentiel de la lutte politique actuelle. Soit elle revendique des
politiques universelles, soit les libéraux et l’extrême droite gagnent leur bataille culturelle, en lui
faisant croire que c’est elle seule qui porte le fardeau de la solidarité. Selon moi, c’est de la classe
moyenne que viendra le déclenchement de ce que j’appelle » la révolution citoyenne « . En le
faisant, elle fait bloc avec les ouvriers et les employés dans un » front du peuple « .
Contrairement aux sociaux libéraux, je ne propose pas de bricoler des dispositifs de discrimination
positive. Et encore moins d’empiler les pansements spécialisés comme le contrat de génération de
François Hollande. Je propose de partager la richesse et maîtriser l’avenir. Cela passe par
l’augmentation du smic, le salaire maximum limité en entreprise ou encore l’interdiction des CDD
au-delà de 10 % dans les petites entreprises et de 5 % dans les grandes. Enfin, ce sont les
politiques publiques et le retour à la maîtrise du futur par la planification écologique, qui
permettront de redonner de la durée, de la visibilité.
» Les très riches ont fait sécession «
Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy
Le plus intéressant dans l’analyse c’est le constat que les catégories sociales intermédiaires doivent
se battre de plus en plus durement pour conserver leurs positions. Le plus problématique c’est la
notion de classe sociale. Quand la société est traversée de courants descendants et ascendants,
qu’est-ce que signifie le concept de classe ? Le découpage arbitraire en classes passe à côté de l’un
des faits marquants de ces dernières années : une partie des très riches a fait sécession par rapport
à tout le reste de la société.
Le fait majeur des trente dernières années, c’est le rapport au patrimoine. La financiarisation et les
effets de rente ont déclassé le travail et déprécié le capital humain sauf quand il est directement
relié à la finance. Dire que l’ingénieur d’une grande école qui travaille dans la finance et celui qui
travaille dans la production sont dans la classe supérieure occulte le fait qu’ils n’appartiennent plus
au même monde. Le livre montre que le malaise des classes moyennes est particulièrement fort
parce qu’elles ont l’impression de payer pour les autres.
Le malaise est beaucoup plus profond. La plupart des Français ont le sentiment d’avoir perdu le
contrôle de leur vie. Cela vaut aussi bien pour le cadre dont le statut dans l’entreprise s’est
inexorablement dégradé depuis trente ans que pour le travailleur pauvre qui a beau travailler dur et
qui ne s’en sort pas. C’est cette France du non qui a l’impression que la seule liberté qui lui reste
désormais, c’est de dire non à tout. Ce sentiment n’est pas fondé sur des peurs irrationnelles. Ainsi,
quand on risque d’être écarté du jeu au premier coup du sort, cela change l’attitude face au risque.
C’est le cas du cadre de 50 ans qui sait que s’il perd son emploi il court le risque d’être sorti du jeu. Il
faut penser en terme de société et non de classes et revenir au modèle républicain. La république du
travail, du talent, du mérite, c’est un programme de reprise en main par chacun de son destin.
AFP Doc
Vendredi 13 janvier 2012 – 06:22:26 GMT
Présidentielle : poussée de Marine Le Pen dans deux sondages
PARIS (AFP) – Deux sondages montrent vendredi une poussée de Marine Le Pen dans les intentions
de vote aux premier tour de la présidentielle, la présidente du Front national recueillant 19% selon
CSA et 21,5% selon l’Ifop, en troisième position derrière François Hollande et Nicolas Sarkozy.
Mme Le Pen talonne toutefois le chef de l’Etat (23,5%) dans l’enquête Ifop-Fiducial pour Europe 1 et
Paris-Match publiée jeudi soir, François Hollande restant en tête (27%).
Selon cette « enquête en continu » de l’Ifop, réalisée pour la première fois, François Hollande battrait
Nicolas Sarkozy au second tour par 57% contre 43%.
Au premier tour, François Bayrou (MoDem) recueillerait 13% des intentions de vote, le candidat du
Front de gauche Jean-Luc Mélenchon 6,5%, celle d’Europe Ecologie-Les Verts Eva Joly 3,5%.
Viennent ensuite Dominique de Villepin (2%) et le président du Nouveau centre Hervé Morin (1%).
Nathalie Arthaud (LO), Philippe Poutou (NPA), Jean-Pierre Chevènement (MRC) et Nicolas Dupont-
Aignan (Debout la République) sont crédités de 0,5% des suffrages. Corinne Lepage (Cap21) et
Christine Boutin sont en dessous de 0,5%.
Dans un second sondage, de CSA pour BFMTV, 20 minutes et RMC, rendu public vendredi matin,
Marine Le Pen gagne trois points en un mois avec 19% d’intentions de vote, tandis que François
Hollande (29%) en perd autant, Nicolas Sarkozy restant stable à 26%.
Au second tour, François Hollande battrait Nicolas Sarkozy par 57% (- 1) contre 43% (+ 1), le
président sortant gagnant cinq points par rapport à octobre.
Selon CSA, au 1er tour François Bayrou (MoDem) recueillerait 13% des intentions de vote (+ 2 par
rapport à l’enquête du mois de décembre), le candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon 7%
(+ 1), celle d’Europe Ecologie-Les Verts Eva Joly 2% (- 1). Dominique de Villepin est crédité de 3% (+
1). Tous les autres candidats recueilleraient 0,5% ou moins.
Donnée pour la première fois en tête au premier tour, en mars 2011, Mme Le Pen a connu ensuite
un reflux des intentions de vote à l’automne 2011 tout en se maintenant à un score élevé pour le FN
avant une présidentielle.
L’enquête Ifop-Fiducial, d’un type jamais pratiqué jusqu’ici pour une élection présidentielle, porte
au total sur 943 personnes inscrites sur les listes électorales, extraites d’un échantillon de 998
personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Le sondage CSA a été réalisé par téléphone les 9 et 10 janvier auprès d’un échantillon national
représentatif de 1.005 personnes âgées de 18 ans et plus, dont ont été extraites 875 personnes
inscrites sur les listes électorales (méthode des quotas).
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Protection sociale
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
« Ce financement doit être construit à partir des cotisations sur les salaires », affirme le Front de
gauche, qui se prononce contre toute fiscalisation de la protection sociale et, ainsi, « aller vers la
suppression de la CSG ». Estimant sur son blog que « la TVA sociale consiste à faire de la
redistribution à l’envers », Jean-Luc Mélenchon propose une nouvelle cotisation sur les revenus
financiers des entreprises et la modulation des cotisations patronales en fonction de leurs choix sur
l’emploi et la formation.
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Nucléaire, transition énergétique
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
En octobre dernier, Jean-Luc Mélenchon proposait à l’ensemble des candidats de gauche « un point
de convergence, la nécessité de sortir des énergies carbonées », et leur demandait, pour éviter des
divisions inutiles, de soutenir la proposition du Front de gauche d’un référendum précédé d’un
débat sur l’ensemble des scénarios énergétiques. Le programme prévoit également « un pôle 100 %
public de l’énergie » et s’engage à programmer les investissements nécessaires à l’efficacité
énergétique et à la diversification des sources d’énergie.
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Europe
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
« Parce que l’Europe ne peut se faire sans ni contre les peuples, nous exigeons la convocation de
référendums », écrivait Jean-Luc Mélenchon à propos du traité proposé par le duo Sarkozy-Merkel,
en décembre lors d’une conférence de presse tenue avec Oskar Lafontaine. Avec la même
philosophie, le Front de gauche estime nécessaire de s’affranchir du traité de Lisbonne pour
construire une Europe plus solidaire, en tendant vers l’harmonisation des droits sociaux et
politiques, et plus démocratique avec des pouvoirs accrus pour le Parlement européen.
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Emploi
Jean-Luc Mélenchon,
Front de gauche
L’objectif du Front de gauche est d’éradiquer le chômage et la précarité. En plus d’un statut social et
d’un système d’allocations pour tous les jeunes permettant leur autonomie et d’une Sécurité sociale
professionnelle, il propose de réaffirmer le CDI comme la norme du contrat de travail, d’interdire les
licenciements boursiers et de garantir de nouveaux droits aux salariés dans la gestion de leur
entreprise. À propos de l’industrie, Jean-Luc Mélenchon, devant les salariés de Petroplus, a prôné la
création de « visas sociaux et environnementaux sur toutes les marchandises qui entrent en Europe
», pour empêcher le dumping social et les délocalisations.
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Budgets publics
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
« Ce n’est pas la dette qui est insupportable, c’est l’austérité », avait déclaré Jean-Luc Mélenchon,
dès août dernier, sur RMC. « Parce que l’investissement public est nécessaire, nous refusons
d’inscrire dans la Constitution la règle d’or », précise le programme du Front de gauche, qui propose
« une réforme de la fiscalité » avec « un impôt sur le revenu réellement progressif », « la
suppression des exonérations » et « une loi anti-évasion fiscale ». Le tout pour développer et créer
des services publics « au service de l’intérêt général ».
Aujourd’hui en France, Le Parisien
ACTU, vendredi 13 janvier 2012, p. 75_T_6
Rendez-vous à… Carmaux (Tarn)
Les gueules noires ont toujours le coeur rose
Ava Djamshidi
CARMAUX (TARN)
DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
« Ici, vous prenez un âne, et du moment qu’il a les oreilles roses, il sera toujours élu! » s’esclaffe un
employé de banque. Carmaux, l’ancienne cité ouvrière, a toujours eu le coeur à gauche. Depuis 1892,
les candidats de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière) puis du Parti socialiste (PS)
ont systématiquement été élus à la tête de la ville. C’est donc sous le sceau du secret – « Je ne veux
pas de problème » – qu’un commerçant vide son sac : « Je suis libéral. Mes convictions, je les vis
clandestinement. Vous ne dites rien, hein? »
Sur la place de la ville, la statue du commandeur veille au grain. Jean Jaurès, l’emblématique député
de Carmaux de la IIIe République, harangue les cieux, visage radieux sous le soleil, doigt tendu vers
les nuages. « C’est le premier à avoir défendu les intérêts de la classe ouvrière », résume Gilbert, 65
ans. L’histoire de l’homme qui a pris fait et cause pour les mineurs de la ville, lors d’une grande grève
en 1892, captive encore les habitants. Ici, tous les pères, tous les grands-pères ont travaillé pour les
houillères, dont l’exploitation a définitivement cessé en 1997. Comme celui de Gilbert, ouvrier
communiste, « trente ans passés dans le fond ». « Alors évidemment, j’ai toujours voté socialiste »,
s’enorgueillit le retraité, qui se dit toutefois titillé par Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de
gauche. « Ben, faut dire ce qui est. La gauche, c’est plus ce que c’était. Avant, il y avait le sens de
la solidarité. Maintenant, les socialistes, ils lorgnent trop vers le centre. » Charlette, sa femme, le
coupe pour le mettre en garde : « Peut-être, mais si tu votes pas utile, c’est encore Nicolas Sarkozy
qui va passer. Et lui, il ne défend que les riches. »
Sous la statue du dieu Jaurès, une dame sans âge et sans nom (« c’est indiscret ») confie son désarroi.
« Pour la première fois de ma vie, je ne sais pas qui choisir », lâche cette ancienne assistante
maternelle, qui s’est rendue aux urnes pour la première fois en 1944! L’année où les femmes ont
obtenu le droit de vote : « Je suis socialiste, mais je ne me sens pas représentée par François
Hollande. Sa gauche est trop molle. Et il n’a pas de programme. » A son bras, sa copine, socialiste
elle aussi, ronchonne : « J’aurais préféré que ce soit Arnaud de Brandebourg (NDLR : Montebourg) le
candidat. Au moins, il est bel homme. »
Avec 10000 habitants, essentiellement des retraités, Carmaux s’éteint à petit feu. La fin du charbon
a fait partir les jeunes sous d’autres cieux plus cléments. Andrée et Simone, plus de 160 printemps à
elle deux, sont restées. Elles suivent la campagne présidentielle avec un appétit de moineau. «
François Hollande, c’est le candidat du parti des ouvriers. Donc il défend l’intérêt des petits
travailleurs. Je lui fais confiance, soupire Andrée. Mais avec la crise, qui menace les petites gens,
qu’est-ce qu’il pourra faire de toutes les façons? » François, 65 ans « dans dix jours », évoque lui
aussi ses doutes. Mélenchon, Hollande, son coeur balance, mais il tranchera par défaut. Car ni l’un
(« trop outré ») ni l’autre (« trop policé ») ne l’enthousiasment vraiment. Un vieux monsieur surgit
sur la place. Dépité, il égrène la liste des magasins qui ferment en agitant sa canne. « Ce sont tous
des guignols, s’égosille-t-il. Rien ne s’améliore en France. La seule chose qui les intéresse, ce sont les postes. Si Jaurès voyait ça! »
Le Figaro, no. 20979
Le Figaro, vendredi 13 janvier 2012, p. 14
Débats Opinions
Dans cent jours, la présidentielle
Jean d’Ormesson de l’Académie française
L’écrivain passe en revue la situation politique en France et analyse les atouts et les handicaps
de chacun des principaux candidats. On raconte qu’il y a très longtemps, à une époque légendaire,
les Français passaient pour légers, insouciants, séducteurs et joyeux. Ces temps-là sont révolus. Il y a belle lurette qu’ils sont mécontents et inquiets. Du tsunami nucléaire de Fukushima aux crises à
répétition de l’euro, 2011 a été peut-être plus que jamais, pour reprendre une formule utilisée
naguère par la reine d’Angleterre, un annus horribilis. Et 2012 s’annonce sous des auspices au moins
aussi sombres. Avec, dans une centaine de jours, un événement brillant et obscur : l’élection
présidentielle.
C’est une drôle d’aventure. Pendant de longs mois, l’affaire était réglée d’avance : Dominique
Strauss-Kahn était déjà élu. Les images du 15 mai 2011 ont bouleversé les Français et la planète
entière. Mais il y a eu une surprise dans la surprise. Après des primaires réussies, François Hollande
a pris avec moins d’éclat mais avec calme la place et la suite de Strauss-Kahn. Se substituant à lui, il dépasse de très loin dans les sondages Nicolas Sarkozy. L’écart se resserre déjà, mais si l’élection
avait lieu demain, avant que les programmes des uns et des autres aient été précisés, Hollande
serait encore largement élu. Avec des régions, une Assemblée, un Sénat socialistes. Jacques Julliard a pu écrire : « La France est socialiste. »
C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que, bien loin d’être favori, le président
sortant prend à ce point des allures d’outsider. Depuis près de trois ans, après le succès de 2007,
Nicolas Sarkozy a descendu tous les échelons de l’impopularité. Trahi souvent par les siens, jaloux
de sa supériorité, il a été cloué au pilori par tout ce qui pense et s’exprime dans ce pays. La presse, la radio, les chaînes de télévision publique et privée ne l’ont pas ménagé. Le Figaro, qui a été
longtemps le principal ou le seul journal à défendre son action, a été moqué, montré du doigt, traité
ouvertement de Pravda sarkozyste. Dans les dîners parisiens, pendant que Strauss-Kahn était
entouré de la considération et de l’estime générales, il était de bon ton, chez les fêtards et les beaux
esprits, d’accabler Nicolas Sarkozy, homme de plaisir et d’argent. Il était et il est la seule cible et
l’unique argument de Martine Aubry, de Jean-Marc Ayrault, de Benoît Hamon, d’Eva Joly, de Marine
Le Pen. La dénonciation de Sarkozy occupe et remplace tout discours politique. Il ne se passe pas de jours sans que des attaques violentes soient déclenchées contre lui. Quelques attaques de fond, ce qui est de bonne guerre, mais d’abord et surtout des attaques indéfiniment répétées contre sa
personne, sa façon d’être et de parler, sa famille, et souvent son physique. Il est ridicule, hostile aux
plus misérables, vendu aux plus riches, incapable de s’exprimer en français, méprisé par les
puissances étrangères. Il est – nous l’avons tous entendu de la bouche de ses adversaires – la honte
de notre grande et vieille nation. Il est assoiffé du sang des pauvres. Il est le rebut de l’humanité.
En face, François Hollande. Il a un immense avantage : il n’a rien fait. Impossible de l’attaquer sur
son action : il n’y en a pas. Elle se limite pratiquement à la Corrèze, dont il serait un peu vain de
souligner qu’elle est le département le plus endetté de France. François Hollande n’a pas besoin de
se forcer pour en faire le moins possible et pour se laisser porter par la vague de l’antisarkozysme. Il
y a bien un programme du Parti socialiste, mais chacun peut constater que c’est déjà beaucoup pour
lui. Il l’adopte pour la forme, il s’en distingue subtilement. Non content de n’avoir rien fait, il
s’acharne à ne rien dire qui puisse l’engager si peu que de soit. Et lui qui parle pour ne rien dire, il ne
se prive pas de dénoncer Sarkozy dans Libération comme « le président de la parole ».
L’affrontement Sarkozy-Hollande est peut-être le dernier avatar de l’opposition entre droite et
gauche, mais le seul argument de la gauche hollandaise est l’hostilité à Sarkozy. Elle se veut presque pure de toute inflexion idéologique ou programmatique. Pour mieux affronter Sarkozy, l’idéal pour Hollande, soucieux de ne faire aucune vague, serait de ne pas exister du tout. Il n’est pas très loin de ce rêve exaltant. C’est pour une absence de candidat qui fera une remarquable absence de
président que beaucoup de Français se préparent à voter.
Ce serait pourtant une erreur de limiter l’élection présidentielle à un duel Hollande-Sarkozy.
L’affaire ne se joue pas à deux : elle se joue à quatre. Il n’est interdit ni à Marine Le Pen ni à François
Bayrou de s’imaginer au second tour. Le quadrille Le Pen, Sarkozy, Bayrou, Hollande, qui regroupe
quelque 80 % des électeurs, montre à quel point le balancier politique français s’est, depuis
quelques années, déplacé vers la droite. La différence est frappante avec les années d’après-guerre,
il y a un demi-siècle, quand le Parti communiste pesait de tout son poids. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de notre vie politique que de pouvoir soutenir à la fois que la France est devenue
socialiste et qu’elle s’est droitisée. On aurait aussi le droit de souligner qu’il y a moins d’oppositions
entre Sarkozy, Hollande et Bayrou qu’entre eux trois et ceux qui veulent turbuler de fond en comble
l’état de choses existant : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
C’est dire le trouble des esprits abreuvés de slogans, de discours, de promesses contradictoires.
C’est dire aussi combien reste ouverte l’élection dont dépend notre avenir. Dans un monde instable
et changeant comme le nôtre, tout et n’importe quoi peut encore se passer. C’est dans les dernières
semaines avant le scrutin que tout va se jouer. Alain Duhamel soutient que les Français sont
sensibles à la personnalité de Hollande et aux réalisations de Sarkozy. Il ne s’agira plus, en fin de
compte, de se laisser aller à de vagues sentiments de sympathie ou d’antipathie, mais de choisir une
politique aussi cohérente et efficace que possible. Les paroles et les incantations devront laisser la
place aux faits. Et les faits sont têtus.
La situation de la France est sérieuse. Elle l’est plutôt moins, non seulement que celle de la Grèce,
de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, mais que celle de l’Angleterre isolée ou des États-
Unis en proie eux aussi à un endettement gigantesque. Le chômage frappe, mais il est contenu. La
situation de la Chine ou de l’Allemagne est meilleure que la nôtre. Mais qu’auraient dit les Français si
Nicolas Sarkozy avait imposé chez nous les méthodes et les mesures qui ont fait le succès de
l’Allemagne ou de la Chine ?
À écouter Martine Aubry ou Jean-Luc Mélenchon, Sarkozy serait l’otage des puissances d’argent et
l’ennemi du peuple. Il est très curieux de constater que les manifestations de masse ont été moins
spectaculaires sous la présidence de Sarkozy que sous celles de ses prédécesseurs. Tout ne va pas
bien dans une France frappée par une crise qui n’en finit pas et où il y a beaucoup de pauvreté. Mais
il n’est pas besoin de beaucoup d’imagination pour être convaincu que tout pourrait aller beaucoup
plus mal. Il suffirait pour cela d’un gouvernement un peu faible, tiraillé entre des forces contraires.
Une coalition où figureront nécessairement, autour de François Hollande, les Verts de Mme Joly et le
Front de gauche de M. Mélenchon n’est pas de nature à rassurer.
Sarkozy est loin d’avoir toutes les vertus et toutes les qualités. Il a pu
se montrer léger, impulsif, inconséquent. Mais il est courageux, actif, intelligent et, malgré tant de
calomnies en forme d’insinuations, honnête. Et il est capable de corriger ses erreurs. Dans plusieurs
domaines, contrairement à tous ceux auxquels il a succédé, il a essayé de réformer. Il a été le seul à
s’attaquer au problème dramatique et apparemment insoluble des retraites, que tous ses
prédécesseurs avaient évité avec soin. Il a eu le courage de tirer les conséquences d’une réalité
incontestable : l’allongement de la vie humaine.
Réformer ne vous fait pas que des amis. Ses adversaires lui reprochent à la fois d’être impopulaire
et trop peu courageux. Entouré de François Fillon, d’Alain Juppé, de plusieurs autres, il s’efforce de
trouver le chemin étroit entre le courage et la popularité – et il privilégie le courage. Il n’agit pas en
candidat. Il agit en chef d’État. N’en déplaise à ceux qui s’imaginent que l’hostilité à Sarkozy peut
tenir lieu de programme et de politique, il a pris, dans cet exercice périlleux, des dimensions
internationales. La victoire de Nicolas Sarkozy dans un peu plus de cent jours est loin d’être assurée.
Contrairement à tant de pronostics, elle est loin aussi d’être impossible. Elle constituerait en tout
cas pour le pays la solution de très loin la plus raisonnable et la seule sérieuse.
Dans les dîners parisiens, pendant que Strauss-Kahn était entouré de la considération et de l’estime
générales, il était de bon ton, chez les fêtards et les beaux esprits, d’accabler Nicolas Sarkozy,
homme de plaisir et d’argent
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Salaires
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
Le Front de gauche défend l’augmentation immédiate du Smic à 1 700 euros brut par mois pour 35
heures par semaine et s’engage à le relever à 1 700 euros net pendant la législature. À l’autre bout
de la chaîne, un salaire maximum serait instauré. Il s’agirait de limiter l’écart maximum entre salaires
à un rapport de 1 à 20 et de limiter les revenus à 20 fois le revenu médian (soit 360 000 euros par an)
par la fiscalité.
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Retraites
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
Comme lors du mouvement social de l’automne 2010, la position du Front de gauche est claire : «
Nous rétablirons le droit à la retraite à 60 ans à taux plein (75 % du salaire de référence) pour toutes
et tous avec la prise en compte de la pénibilité de professions particulières donnant droit à des
départs anticipés. Aucun salarié ne touchera de retraite inférieure au Smic. »
l’Humanité
Cuisine, vendredi 13 janvier 2012
Marchés financiers
Jean-Luc Mélenchon, Front de gauche
« Reprendre le pouvoir aux banques et aux marchés financiers » est l’une des priorités du Front de
gauche qui, à l’opposé de la logique libérale, propose une nouvelle réglementation comprenant
notamment un pôle public financier pour « transformer la politique du crédit », le blocage des
échanges de capitaux avec les paradis fiscaux, une réorientation de la Banque centrale européenne
« pour lui permettre de prêter à taux faibles, voire nuls, directement aux États ».