Le Monde.fr
Mercredi 5 octobre 2011
Mélenchon demande aux socialistes de choisir entre Bayrou et lui
A la veille du dernier débat entre les prétendants à la primaire socialiste, Jean-Luc Mélenchon a
demandé aux six candidats socialistes de clarifier leurs positions. « Les socialistes pensent qu’ils
peuvent, dans une espèce d’ambiguité complète, avoir à la fois monsieur Bayrou et Jean-Luc
Mélenchon dans une coalition », a estimé le candidat du Front de gauche mardi 4 octobre sur RMC.
« Et moi je leur dit que ce n’est pas possible. Vous n’aurez pas – et on ne peut pas imaginer – l’un et
l’autre ensemble », a-t-il ajouté.
Selon M. Mélenchon, les candidats socialistes « doivent absolument éclairer ce point de vue, chacun
individuellement. C’est pour que les gens qui vont voter, qui ont un tempérament socialiste
j’imagine, votent à la fois pour une personne et pour une stratégie. »
Le candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle a ainsi conclu : « C’est ou l’alliance à gauche,
ou l’alliance au centre. Je dis aux candidats qu’ils ne feront pas un front du peuple s’ils s’allient avec
quelqu’un comme monsieur Bayrou qui est partisan de la règle d’or, de la TVA sociale, et ainsi de
suite. »
« JE SAIS D’OÙ IL VIENT. JE SAIS DONC CE QU’IL FERA »
Dans un entretien à Libération (accès payant), mardi 4 octobre, François Hollande, candidat à la
primaire PS, a pour sa part ménagé l’ancien membre du PS. Le député de la Corrèze a dit faire
« confiance à Jean-Luc Mélenchon » : » je n’ai pas de doute sur ce qu’il aura à faire au second tour de
la présidentielle. Je sais d’où il vient. Je sais donc ce qu’il fera. Je n’ai pas de doute sur sa présence
électorale, mais une interrogation sur sa présence au gouvernement. »
LEMONDE.FR LeMonde.fr
Le Monde
Economie, mercredi 5 octobre 2011, p. 16
REPORTAGE
A Gémenos, les Fralib veulent croire que l’Eléphant peut continuer à vivre
Ils se le promettaient depuis un an. Le groupe Unilever venait alors d’annoncer la fermeture de
l’usine Fralib de Gémenos (Bouches-du-Rhône), où étaient conditionnés les infusions Eléphant et le
thé Lipton. Lundi 3 octobre, à 15 heures, ils l’ont fait : les ex-salariés de Fralib ont accroché leur
banderole » L’Eléphant vivra à Gémenos » sur le mur de l’esplanade de la basilique Notre-Dame-dela-
Garde, point culminant de Marseille.
Tout un symbole : cette basilique » fait partie du patrimoine et il ne viendrait à personne l’idée de la
délocaliser. Pour l’Eléphant, né en Provence il y a cent dix-neuf ans, c’est pareil « , explique Olivier
Leberquier, délégué syndical CGT de Fralib.
Une allusion à la délocalisation de la production de Gémenos vers la Pologne, à Katowice, et vers
Bruxelles, où Unilever a des usines à thé. Estimant être en » surcapacité de production « , Unilever a
décidé de fermer Fralib, jugée pas assez rentable. 154 salariés sur un effectif de 182 ont reçu leur
lettre de licenciement le 31 août (les autres font partie de la direction et 14 sont des représentants
du personnel pour lesquels la procédure de licenciement est plus longue).
» L’usine est à nous »
Florent, 41 ans, dont douze chez Fralib, qui a accroché la banderole, n’est pas loin de verser des
larmes. » Voir autant de monde venu nous soutenir, nous, le petit Fralib… » Au pied de la » Bonne
Mère « , près de 700 personnes, arrivées par cars, agitent autant de drapeaux rouges de la CGT, dans
un vacarme de barrissements émis par des klaxons et de chants révolutionnaires. Il y a là les ex-
Fralib et des manifestants venus du Havre, de Dijon, d’Ile-de-France, des Vosges à l’appel de la
fédération CGT de l’agroalimentaire.
Dans l’usine occupée depuis le 2 septembre, tout était prêt pour les accueillir : dortoir au premier
étage, merguez et viennoiseries dès 6 heures, paella géante au déjeuner, stands pour la vente de
tee-shirts et du DVD du film Pot de thé, pot de fer, de Claude Hirsch, qui retrace, en soixante-dix
minutes, une année de lutte des Fralib.
Traversant les locaux pour une rapide visite guidée, Florent suit la passerelle qui surplombe la salle
de production désormais à l’arrêt. C’est là qu’il travaillait : il remplissait de produits de grands
entonnoirs qui les déversaient, en bas, dans des machines d’où sortaient les sachets de thé et
d’infusion.
» L’usine est à nous « , dit-il. C’est en tout cas son rêve et celui de ses collègues au travers du » projet
alternatif » du comité d’entreprise (CE) : maintenir les 182 emplois en reprenant l’activité et la
marque l’Eléphant pour un euro symbolique.
Unilever ne veut pas en entendre parler (Le Monde du 13 août) et juge le projet » irréaliste et non
viable « . La direction met en avant son » plan d’accompagnement » et le fait que 35 personnes » ont
déjà trouvé une solution identifiée « , dont 15 en contrat à durée indéterminée. Elle ne donne pas
suite non plus à la demande d’une table ronde avec les ministres concernés.
Clameur
Florent croit au projet du CE. Sa femme, Christine, employée de maison à temps partiel, est à ses
côtés. Elle a demandé à s’occuper » du ménage de l’usine, du rangement « , explique-t-elle.
Leurs trois enfants sont à l’école, mais » ils nous soutiennent bien et viennent sur le site dès qu’ils le
peuvent, dit-elle. Ils savent qu’on se bat pour leur avenir aussi « . Ce lundi est le jour du 19e
anniversaire de mariage du couple. » On a organisé une grande fête « , s’amuse Florent.
En milieu de matinée, les centaines de manifestants traversent la cour, pénètrent dans un bâtiment
où étaient stockés les produits finis avant expédition. Le spectacle de la comédienne Audrey Vernon,
Marx et Jenny, donné devant les Fralib assis sur des palettes, s’interrompt. Monte une clameur
pleine d’émotion et d’énergie : » Tous ensemble ! Tous ensemble ! » Puis la comédienne reprend son
texte dans un silence total.
La fatigue se lit sur les visages. » Mais on n’y pense pas, on regarde vers l’avenir. On se motive les uns
les autres « , confie Florent. Les visites des politiques aussi les encouragent. Après Jean-Luc
Mélenchon (Front de gauche), François Hollande (PS), Philippe Poutou (NPA), Eva Joly (Europe
Ecologie-Les Verts), c’était au tour d’Arnaud Montebourg (PS) d’être à Gémenos le 29 septembre.
En quittant la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, le cortège descend les ruelles étroites, passe
devant l’immeuble de l’Union des entreprises des Bouches-du-Rhône, » qui a soutenu notre direction
« , critique Florent. La façade reçoit des jets de peinture et des fumigènes. Puis c’est l’arrivée dans un
autre lieu symbolique, le Vieux-Port, pour un lâcher de ballons. Florent, » très ému » se dit »
reboosté » par cette journée. » On a montré qu’on était vivants. »
Francine Aizicovici
Midi Libre
SETE
Mercredi 5 octobre 2011
Tarbouriech pleine pour Pierre Laurent
LE MEETING« Enflammons le débat ! », proclame l’affiche du Front de gauche
placardée sur le théâtre de la Mer où se tenait, hier soir, une rencontre publique avec Pierre Laurent
(avec les lunettes sur notre photo), le numéro un du PCF. À défaut d’être véritablement enflammée,
faute de contradicteurs, elle a en tout cas fait le plein puisque les 200 chaises de la salle Tarbouriech
étaient toutes occupées. Avant que Pierre Laurent expose les enjeux de la candidature de Jean-Luc
Mélenchon – «
Battre Sarkozy, oui, mais pour faire quoi ? » -, il a d’abord été question de la situation économique
et sociale de Sète, et de l’avenir des transports maritimes, de la vigne, de la pêche et de
l’ostréiculture.
Aujourd’hui en France, Le Parisien
/Rubriques/Politique, mercredi 5 octobre 2011
Violence Academy
Matthieu Croissandeau
«La politique est un sport de combat », reconnaissait François Bayrou, encore sonné, au lendemain
de l’élection présidentielle de 2007. Cinq ans plus tard, le constat est toujours d’actualité, à ce détail
près que le président du MoDem aurait pu ajouter : ce n’est pas un sport de gentlemen! Scandales,
chausse-trapes, coups tordus… La campagne présidentielle n’a pas encore commencé qu’elle est
déjà tendue à l’extrême. A la violence de la crise économique qui frappe durement les Français est
venue s’ajouter une cascade d’affaires qui jettent le discrédit sur la classe politique, dans un climat
de suspicion généralisée. Rarement la compétition s’est annoncée aussi rude.
Tous les coups seront-ils permis, comme le pronostiquent notre collaborateur Henri Vernet et notre
confrère Renaud Dély dans un livre nourri de portraits et d’anecdotes, qui paraît aujourd’hui? La vie
politique n’est pas plus violente que par le passé. Depuis l’assassinat des Gracques dans la Rome
antique jusqu’au suicide de Pierre Bérégovoy en passant par les campagnes de calomnies de l’entredeux-
guerres, l’histoire de la vie publique a toujours été jalonnée de tragédies humaines. Et la
France n’a jamais vraiment fait figure de démocratie apaisée. Simplement, le contexte a changé la
nature de cette violence, estiment les auteurs. La brutalité des grandes batailles idéologiques, camp
contre camp, a cédé la place aux guerres d’ego et aux inimitiés personnelles, souvent plus délétères.
La surmédiatisation et le développement d’Internet offrent un écho disproportionné aux petites
phrases assassines et aux polémiques qui ne quittaient pas autrefois la Chambre des députés. La
présidentialisation du régime enfin, depuis l’avènement de la Ve République, mais aussi « le style de
gouvernance de Nicolas Sarkozy », selon Dély et Vernet, ont hystérisé la politique, jusque dans son
vocabulaire. Un domaine où droite et gauche font jeu égal. En effet, si Sarkozy s’était illustré pour
ses propos sur la « racaille » et le « Kärcher », aujourd’hui, c’est Jean-Luc Mélenchon qui parle de
« prendre aux cheveux les puissants », tandis que les socialistes, soucieux de ne pas trop se
déchirer dans leurs primaires, préfèrent crier haro sur les banquiers pour les « mettre au pas »,
quand ce n’est pas carrément les « soumettre »!
Le monde politique n’a jamais été fait pour les tendres. Pour en avoir méconnu les codes ou sousestimé
les dangers, Nicolas Hulot cet été et Jean-Louis Borloo dimanche ont vu leurs ambitions se
fracasser avant même de s’aligner sur la grille de départ. La course à l’Elysée est une essoreuse dont
aucun candidat ne sort indemne, y compris le vainqueur. Comme le racontent les auteurs, Nicolas
Sarkozy a souvent recours, quand il en parle en privé, à la métaphore du sucre : « Ça paraît très
solide quand vous le tenez comme ça entre les doigts, dit-il. Mais prenez un verre d’eau et plongezle
dedans, et regardez ce qui reste de votre sucre maintenant. Eh bien, c’est ça, la présidentielle. »
Voilà les candidats prévenus!
« tousles coups sont permis »
Midi Libre
SETE
Mercredi 5 octobre 2011
La Colombe, réunion de campagne à l’heure de l’apéro
I.J.
Mais que se passait-il hier à La Colombe, l’un des plus vieux bars de Frontignan qui existait déjà
quand le boulevard urbain n’était que la route de Montpellier ? En visite dans le bassin de Thau,
Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste, costume en lin beige, cheveux
grisonnants, petites lunettes, y faisait étape. Frontignan, après Balaruc et avant Sète (lire p. 2) « dans
une période de lancement du programme du front de gauche », défendu par Jean-Luc Mélenchon. Le
petit livre rouge était vendu 2 €. La Colombe, c’est là où Jean-Louis Bonneric, élu de Frontignan, vient
boire son café tous les matins à 7 h 30 en compagnie de L’Humanité, de L’Hérault du jour et de Midi
Libre,« mais ce n’est pas le siège du parti communiste ! », rigole-t-il. À ses côtés, les autres conseillers
municipaux qui siègent avec Pierre Bouldoire : Nadine Despretz (jeunesse), Pascale Grégogna
(éducation), Françoise Adelino (petite enfance) mais aussi le Sétois François Liberti, et Michel Passet,
chef de la fédération de l’Hérault. Et c’est sur une terrasse chauffée à blanc, où les glaçons des
verres de whisky et de menthe à l’eau avaient une espérance de vie réduite, que les discussions, à
tu et à toi, se sont engagées. Deux consommateurs assis à l’extérieur profitent de ce rempart contre
le feu du soleil sans prêter attention à ce qui se dit.Problèmes de la presse, mal-être à La Poste, sont
abordés par des représentants syndicaux et largement commentés.
« Si le Parti socialiste gagne, la politique va-t-elle changer ? », demande un militant. On n’entendra
pas la réponse perdue dans le bruit de la circulation. Claude Frountil qui, à 80 ans passés, ne rate
aucune discussion publique, en est contrarié. « Tant pis, je poserai ma question ce soir (mardi soir)
pour le débat sur les primaires. » L’heure passe. Les olives et les chips ne font que rappeler aux
participants l’absence de déjeuner. 13 h 45. Jean-Louis Bonneric bat le rappel, il est temps de partir à
l’école Anatole-France pour rencontrer des parents d’élèves.
Le Parisien
Val de Marne, mercredi 5 octobre 2011, p. 94_E_4
Choisy-le-Roi
Vivre dansle val-de-marne
Il ne siégera plus avec les socialistes. Laurent Ziegelmeyer, conseiller municipal délégué chargé de la
démocratie participative à la mairie PC de Choisy-le-Roi, a annoncé hier qu’il rejoignait le Parti de
gauche à partir du conseil qui se tient aujourd’hui. « Membre du Parti socialiste, Laurent Ziegelmeyer
avait, depuis les élections européennes de 2009, manifesté son désaccord avec la ligne politique
portée par le PS. Il avait notamment marqué son incompréhension devant l’ambiguité du PS sur la
réforme des retraites », précise un communiqué.
Le Monde.fr
Mercredi 5 octobre 2011
Mélenchon : « Je ne siégerai dans aucun autre gouvernement que le mien »
Thibaut : Quelle sera votre première réforme si vous êtes élu à la tête de la France ?
Jean-Luc Mélenchon : D’abord, rassurer et protéger les productifs. Pas les marchés. Donc, cela
signifie que je titulariserai immédiatement les 850 000 précaires des 3 fonctions publiques. Dans le
privé, le CDI redeviendra la norme car je limiterai le nombre des contrats atypiques à 5 % pour les
grandes entreprises et à 10 % pour les petites.
Aussitôt suivront la série des mesures destinées à domestiquer la finance. D’abord, les
prélèvements qui rétablissent un même niveau d’imposition entre les revenus du capital et ceux du
travail et entre les taux d’imposition des petites et des grandes entreprises.
Mais peut-être, tout compte fait, que mes premiers mots seront pour dire merci à notre école
publique et annoncer un plan de recrutement massif des enseignants dont le pays a tellement
besoin.
Simon : Comment comptez-vous ramener dans votre camp les ouvriers votant désormais
majoritairement pour le Front national ?
Jean-Luc Mélenchon : Les ouvriers ne votent pas majoritairement pour le Front national. Il faut
cesser de les insulter. Il y a toujours eu une proportion significative d’ouvriers qui ont voté contre
leurs intérêts, leur classe et leur pays. En 1981, paroxysme de l’Union de la gauche, 30 % d’ouvriers
votaient par anticommunisme et préjugés contre la 5e semaine de congés payés, la retraite à 60 ans
et l’augmentation de 25 % du Smic.
La vérité est là : la majorité de la classe ouvrière s’abstient parce que les programmes politiques ne
s’occupent pas d’elle et les belles personnes la méprisent. Mon intention et mon combat, celui du
Front de gauche, c’est de rallier et de rassembler en convainquant.
Avec le Front de gauche, l’enseignement professionnel ne sera pas la dernière roue du carrosse. Le
Smic passera à 1 700 euros, les droits des travailleurs dans les entreprises seront étendus. Les
licenciements boursiers seront interdits, les patrons voyous expropriés et les émigrés fiscaux
suspendus de droits sociaux. Les ouvriers seront à nouveau des citoyens actifs et conscients.
demip :Vous proposez d’augmenter le smic à 1 700 euros brut, prévoyez-vous quelque dispositif
permettant aux petites entreprises de supporter cette augmentation (exonération de charges, crédit
d’impôt, prêts facilités…) ?
Jean-Luc Mélenchon : Bien sûr que les cas des petites et très petites entreprises doit être considéré
d’une façon particulière. Mais regardons bien la situation. Pour une entreprise, l’essentiel c’est son
chiffre d’affaires. Quand le carnet de commandes est plein, quand les produits sont payés à leur
valeur, ce n’est rien de distribuer la richesse produite pour rétribuer le travail.
Ceci posé, la relance de la consommation est donc bien la question cruciale. Les petites entreprises
doivent pouvoir accéder à des facilités qui sont aujourd’hui refusées et qui fluidifieraient leurs
comptes. Par exemple, un taux d’escompte à 0 %. Ou bien, encore, l’accès au crédit qui leur est
aujourd’hui lourdement refusé ou qui est à un taux excessif. Les banques ne font pas leur travail à
l’égard de l’économie réelle. Savez-vous que la BNP fait 70 % de son chiffre dans la spéculation et
30 % dans les prêts à l’économie réelle ? Savez-vous que l’UIMM a dû organiser un véritable circuit
bancaire parallèle compte tenu de la déficience des banques?
Ludwig : Vous voulez taxer le capital, et donc l’épargne des ménages. Or j’épargne pour payer les
études de mes trois enfants et payer une maison de repos à mes parents. En outre, mon épargne est
déjà taxée au tiers environ, entre PFL et prélèvements sociaux. Ne croyez-vous pas que c’est déjà
largement suffisant et qu’il est inutile de taper toujours plus sur les classes moyennes ?
Jean-Luc Mélenchon : Vous m’aurez sans doute mal écouté. Il s’agit de taxer les revenus du capital.
Soyons sérieux, ce n’est pas l’épargne des ménages et les produits qui l’organisent qui sont ici visés
pour l’essentiel. Aujourd’hui les revenus du travail sont taxés en moyenne à 42 %. Ceux du capital, à
18 %. Ce n’est pas normal.
Rétablir l’équilibre dégagerait au minimum l’équivalent du service annuel de la dette du pays. A
supposer que je sois d’accord pour la payer telle quelle. Tenez compte du scandale que représente,
par exemple, la niche Copé sur les plus-values des cessions d’entreprises : 23 milliards d’euros en 3
ans. Voilà où pour moi se concentrent les problèmes et c’est ensuite un détail d’éviter les ponctions
qui seraient abusives.
Maintenant, à mon tour de vous interroger : trouvez-vous normal que rien ne soit prévu pour vos
parents âgés et peut-être dépendants et que la scolarité de vos enfants soient à votre charge ? Si le
service public s’en chargeait, vous seriez sans doute moins crispé sur vos économies.
Gilbert : Ne pensez-vous pas qu’il faudrait publier un financement précis de vos mesures pour
asseoir votre crédibilité et faire taire vos détracteurs ?
Jean-Luc Mélenchon : Il est peu probable que je fasse jamais taire mes détracteurs. D’ailleurs, est-ce
vraiment souhaitable ? C’est la contradiction et le débat qui permettent aux citoyens de construire
sa propre opinion et de prendre sa décision. L’escroquerie, c’est toujours lorsqu’on prétend qu’il n’y
a qu’une solution possible – « There is no alternative » disait Mme Thatcher – et je suis trop heureux
quand on me critique sur le contenu du programme, plutôt que sur des pantalonades médiatiques,
injurieuses à mon égard.
Le chiffrage est déjà fait. Mais c’est mon intérêt que le débat aille à son rythme et que l’on me
sollicite au fur et à mesure pour obtenir des éclaircissements. Faire vivre un programme est une
action de pédagogie de masse. Elle vit à son rythme.
Joao : Depuis belle lurette, la finance mène la danse. Elle oblige les Etats à se conformer à ses règles.
L’exemple le plus récent étant la Grèce. Peut-on inverser cette tendance, si oui comment ?
Jean-Luc Mélenchon : C’est le coeur des problèmes de notre époque. La question n’est donc pas de
savoir si on peut le faire mais de constater que c’est nécessaire de le faire. Si c’est bien une nécessité,
si elle s’impose à nous, alors s’impose à nous d’être énergiques. Il est lamentable de voir que, non
seulement aucun dirigeant n’a résisté en Grèce, mais qu’aucun non plus n’a résisté en Europe face
au problème grec. La finance a donc été encouragée à continuer ses spéculations et ses prédations.
On peut même dire qu’elle a été félicitée compte tenu de la veulerie des dirigeants européens qui
lui ont donné raison en étranglant cruellement la Grèce par sept plans d’austérité successifs. Le
résultat est connu. La récession règne en Grèce et contamine toute l’Europe. N’oublions jamais ce
bilan quand on juge la politique alternative que je propose. J’ai envie de dire que ce n’est pas à moi
de prouver ma crédibilité dans la mesure où le contraire est démontré à propos des politiques qui se
prétendent réalistes.
Briser les reins à la finance, c’est prendre une série de mesures techniques qui rendent impossibles
les spéculations. Dans ce domaine, je peux évoquer l’interdiction permanente des ventes à
découvert, l’interdiction des CDS non adossés à un titre de dettes, la taxation des transactions
financières, réglementer le droit à créer des produits dérivés, rétablir le passeport national pour les
hegdes funds, abolir les privilèges d’auto-saisine des agences de notation, arrêter la cotation en
continu des entreprises, etc. Si vous voulez en savoir plus, je vous renvoie au livre de Jacques
Généreux Nous, on peut (Ed du Seuil) dont j’ai rédigé la préface.
Damien : Pouvez-vous affirmer, une bonne fois pour toutes, que les différentes composantes du
Front de Gauche ne participeront pas à un gouvernement PS ?
Jean-Luc Mélenchon : Allez le leur demander. Le Front de gauche ne dissout pas les partis qui le
composent. Chacun d’entre eux reste souverain. Je peux répéter ce que j’ai déjà dit. Mon travail est
de rendre possible le rassemblement de tout l’arc des forces et des cultures qui se reconnaissent
dans le Front de gauche. Je sais donc très bien que certains pensent qu’il faut participer à une
coalition gouvernementale, même si elle est sous direction socialiste et d’autres pensent que cela
est totalement exclu.
Ma place à moi est dans l’élection présidentielle. Cela veut donc dire que pour pouvoir rassembler
tout le monde, il faut que chacun soit personnellement libre de sa propre décision et que chacun
puisse se retrouver dans mon propre comportement. Je ne siégerai donc dans aucun autre
gouvernement que celui que je dirigerai.
Pablo : Pourquoi demandez-vous aux candidats à la primaire PS de choisir entre vous et François
Bayrou alors que ce dernier a toujours exclu une alliance avec le PS ?
Jean-Luc Mélenchon : Bayrou a peut-être exclu l’idée d’une alliance avec le PS mais le PS n’a pas
exclu l’inverse. Au contraire. J’estime qu’il est indispensable que les socialistes clarifient ce point
avant de venir nous faire leur récitation sur le soi-disant vote utile. Ce n’est pas une question
politicienne. Ce qui est indispensable, ce n’est pas d’unir des états-majors et des personnalités, c’est
de rassembler le peuple.
C’est pourquoi je parle d’un Front du peuple. Ce front ne peut pas se constituer sur des projets
ambigus, des propositions contradictoires et des compromis qui divisent. Prenons un exemple : M.
Bayrou est partisan de la TVA sociale, de la règle d’or et de la réforme Fillon des retraites. Sur cette
base, il n’y a ni compromis ni union possible. Ceux qui proposeraient cette union contraindraient
leurs électeurs à des choix contraires à leurs intérêts.
José : Sans Besancenot et avec Arthaud et Poutou, vous avez un boulevard à la gauche du PS.
Comment comptez-vous en profiter ?
Jean-Luc Mélenchon : Je ne crois pas au boulevard. Il ne s’agit pas de parts de marché : je ne suis pas
à la gauche du PS. Le Front de gauche par son programme est au centre de la gauche. Je déplore la
droitisation et la « centrisation » de la sociale démocratie européenne et française. Mon projet est de
convaincre le plus grand nombre possible de gens qu’il existe une alternative au système actuel.
Advienne alors que pourra.
LEMONDE.FR Chat modéré par Raphaëlle Besse Desmoulières