Libération
France, mercredi 7 septembre 2011, p. 11
L’histoire
le QG de mélenchon dans une ancienne usine de chaussures
Lilian Alemagna
Voilà qui va faire plaisir à ses alliés communistes : Jean-Luc Mélenchon s’apprête à installer son QG
de campagne dans une ancienne usine de chaussures ! Le candidat Front de gauche a trouvé un local
de 700 m2 aux Lilas (Seine-Saint-Denis). Le prix ? «Pour le même tarif, on aurait eu 300 m2 de moins
dans Paris», dit-on au Parti de gauche. L’emménagement est prévu à la fin du mois avant une
inauguration courant octobre. L.A.
Aujourd’hui en France? Le Parisien
/Rubriques/Politique, mercredi 7 septembre 2011
Jean-Luc Mélenchon
A.H.
candidat Front de gauche
1 « Je ne réfléchis pas en termes comptables. La dette n’est qu’un prétexte pour réaliser un coup
d’Etat financier », estime-t-il. Selon lui, une politique de rigueur n’a pas de sens « puisqu’elle va
ralentir l’activité, diminuer les recettes et nous plonger dans la récession ».
2Pour Mélenchon, il ne s’agit pas de parler d’économies. « Quand on supprime des niches fiscales,
on n’économise pas, on ne fait que réorganiser les dépenses, considère-t-il. La priorité, c’est de
financer les nouveaux besoins et d’abord l’éducation. »
3Mélenchon propose de taxer le capital comme on taxe le travail : « On pourrait ainsi récupérer 100
Mds€, deux fois les intérêts de la dette en 2011! » Il souhaite aussi que l’impôt sur le revenu passe
de 5 à 14 tranches, avec 100% d’imposition à partir de 330000 € annuels. Mais pas question
d’augmenter la TVA, « l’impôt le plus injuste », ni de créer une TVA sociale.
Aujourd’hui en France, le Parisien
/Rubriques/Politique, mercredi 7 septembre 2011
Hollande fait la course en tête
Éric Hacquemand et Henri Vernet
En pole position dans la course aux primaires socialistes, François Hollande sort aussi en tête des
intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle, selon notre enquête Harris Interactive*.
Martine Aubry fait, elle, jeu égal avec Nicolas Sarkozy et ne décolle pas. Tandis que Ségolène Royal,
malgré sa détermination, reste distancée et serait même battue au premier tour par Marine Le Pen.
Hollande s’installe en position de leader. Parmi les trois « gros » candidats socialistes à la primaire,
le député de Corrèze est le seul à être pointé à la hausse. A priori, pourtant, ses deux rivales auraient
pu elles aussi « profiter » de la crise. « Si François Hollande fait la différence, c’est parce que depuis
le début, il a fait de la crise, et des solutions à lui apporter, son principal thème de campagne »,
estime Jean-Daniel Lévy, directeur de Harris Interactive. Hollande bénéficierait donc de son «
ancienneté » sur ce terrain d’autant que Dominique Strauss-Kahn n’est plus dans la course.
« Avant, les Français faisaient confiance à DSK. Aujourd’hui, c’est à François », décrypte Bernard
Poignant, l’un de ses fidèles. Mais hier midi, devant ses troupes, Hollande a fait preuve de prudence.
« Je sens grossir l’intérêt pour ma campagne », a-t-il reconnu avant de mettre immédiatement en
garde contre « toute suffisance et toute arrogance ».
Aubry s’enlise. A égalité avec Nicolas Sarkozy, Aubry ne rattrape pas son retard sur Hollande. Sa
présence très marquée à l’université d’été des socialistes à La Rochelle, fin août, son omniprésence
médiatique, son coup d’éclat à Marseille sur le terrain de la sécurité ne produisent, pour l’heure,
aucun effet. « Ben oui, la tendance est là et les écarts se creusent », est obligé de constater un de
ses soutiens. Mais pas question de changer de cap. « Il n’y a pas nécessité de rectifier notre
campagne. Hollande et Aubry sont tous les deux en mesure de battre Nicolas Sarkozy. Rien n’est
joué », estime François Lamy qui espère recueillir, dans la dernière ligne droite de la campagne des
primaires, les fruits d’une intense mobilisation. Hier soir, Aubry a dîné avec une centaine de
parlementaires à l’Assemblée. Ce soir, plus de 2 000 personnes sont attendues pour une
démonstration de force à l’occasion d’un meeting à Toulouse (Haute-Garonne).
La percée de Bayrou et Joly. Le leader du MoDem, talonné par Jean-Louis Borloo, et la candidate
écologiste sont les deux seuls autres candidats qui progressent dans notre sondage. Là encore,
l’explication tiendrait à la crise. « François Bayrou en a fait son axe de campagne dès 2008, tandis
qu’Eva Joly s’était fait remarquer pour sa lutte contre les paradis fiscaux, reprend Lévy. Et comme
Hollande, ils avancent des solutions semblant réalistes, qui n’entraîneraient pas en tout cas un
chamboulement du système. » Ce qui n’est pas le cas de Jean-Luc Mélenchon ni de Marine Le Pen,
dont les propositions radicales, faire payer les riches pour l’un, sortir de l’euro pour l’autre, ne
semblent pas avoir convaincu. Il apparaît même un certain décalage entre les sympathisants du
Front de gauche, qui ne nient pas la nécessité de prendre des mesures contre l’ampleur des déficits,
et le discours volontariste du candidat. Résultat, Mélenchon et Le Pen apparaissent en baisse dans
les intentions de vote par rapport à notre précédente enquête de juin.
* Enquête Harris Interactive réalisée en ligne du 31 août au 5 septembre 2011 auprès d’un
échantillon de 888 individus inscrits sur les listes électorales, représentatif de la population française
âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas.
Le Parisien
Mercredi 7 septembre 2011, p. 75_T_2
Déficits publics : où trouver l’argent?
JANNICK ALIMI ET MATTHIEU CROISSANDEAU
FINANCES. Alors que les députés se penchent sur le plan de rigueur de François Fillon, huit candidats
à la présidentielle nous livrent leurs priorités pour équilibrer les comptes.
Réduire les déficits publics sans casser la croissance ni rebiffer les électeurs à quelques mois d’un
rendez-vous électoral crucial : c’est l’exercice auquel se livrent depuis hier le gouvernement et les
députés appelés à se prononcer sur les mesures d’austérité présentées le 24 août par François Fillon.
« Le moteur de l’économie, c’est la consommation. Nous protégeons ce pilier », a assuré hier
François Baroin, le ministre de l’Economie sur Europe 1. L’objectif pour cette fin d’année peut
paraître aisé à atteindre : 1 Md€ à dégager, contre 11 Mds€ en 2012.
L’opposition juge la potion injuste et insuffisante
Et, pourtant, le Premier ministre a dû faire hier marche arrière, par exemple sur l’augmentation de la
TVA sur les parcs d’attractions ainsi que sur l’imposition des plus-values immobilières sur les
résidences secondaires. Des mesures, à entendre certains députés de la majorité, qui avaient du mal
à passer sur le terrain. Pour le reste, François Fillon a sauvé l’essentiel de son plan de rigueur (lire cidessous).
Toutefois, pour l’opposition, la potion se révèle injuste et insuffisante. Nous avons donc
demandé à huit personnalités dans la course pour 2012 quelles sont leurs priorités et leurs
recommandations pour équilibrer les comptes.
A l’exception notable de Jean-Luc Mélenchon, pour qui la rigueur ne peut entraîner que la
récession, tous ceux que nous avons interrogés promettent une cure d’austérité. Réforme fiscale,
mise à contribution des plus hauts revenus, taxation sur les transactions financières : un
consensus semble même se dessiner pour dégager de nouvelles recettes. Et, lorsqu’on leur
demande sur quelles dépenses publiques ils reviendraient, tous ou presque crient haro sur les
niches fiscales!
A huit mois de l’élection présidentielle, le retour à l’équilibre des finances publiques s’impose déjà
comme un des sujets majeurs de la campagne. Il reste pour les candidats à faire preuve
d’imagination pour ne pas seulement promettre à leurs électeurs de la sueur et des larmes.
l’Humanité
Social-Eco, mercredi 7 septembre 2011
Les Fralib veulent apprivoiser l’Éléphant
Cécile Rousseau
Les salariés de la société de fabrication de sachets de thé sont venus présenter hier au monde
politique à Paris leur projet alternatif pour conserver l’activité.
Journée marathon pour les salariés de Fralib. Une cinquantaine des 182 salariés de la société qui
produit les thés et la tisane de la marque Éléphant ont débarqué hier dans la capitale pour
présenter leur projet de reprise de l’entreprise. En septembre 2010, Unilever, propriétaire, décide
de fermer les portes du site de Gémenos (Bouches-du-Rhône), jugeant Fralib pas « assez compétitive
». En plus de lutter contre le plan social, les Fralib élaborent un plan alternatif pour conserver
l’activité, avec le soutien de la fédération CGT de l’agroalimentaire. Pour relancer la production,
Unilever devrait par exemple leur acheter puis leur revendre les bâtiments et leur fournir des
matières premières pendant un temps. Mais le géant de l’agroalimentaire fait la sourde oreille. Trop
occupé à attaquer les délégués CGT pour diffamation quand ceux-ci écrivent que le groupe « vole le
fisc et ses clients ». « Unilever nous attaque pour diffamation. Ça fait vingt-huit ans que je travaille
là-bas, je n’avais pas remarqué qu’ils avaient un honneur ! » ironise Olivier Leberquier, délégué du
personnel CGT.
Devant André Chassaigne et Daniel Paul, députés communistes du Puy-de-Dôme et du Havre, le
syndicaliste insiste : « On veut conserver la marque Éléphant, qui existe depuis cent dix-huit ans,
elle appartient plus aux salariés qu’au groupe. »
Hasard du calendrier, les députés communistes et d’autres formations politiques réfléchissent à un
projet de loi qui permette l’accession à la propriété des salariés avec un droit de préemption. Pour
André Chassaigne, cette solution coule de source. « Dans des cas comme celui-ci, les salariés
doivent pouvoir avoir la maîtrise de leur entreprise. » Même son de cloche devant le tribunal de
Nanterre (Hauts-de-Seine) où comparaissaient ensuite les syndicalistes. Pierre Laurent, secrétaire
national du PCF, et Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle, soutiennent
totalement le projet. « On a encore plein d’idées pour les aider. Le système Unilever est
symptomatique de tout ce que nous combattons », rappelle le candidat. Après une entrevue avec le
socialiste François Hollande, les Fralib ont fini leur journée au siège d’Unilever. Leur comité de
soutien national est lancé.
Le Monde
Dialogues, mercredi 7 septembre 2011, p. 19
Les primaires sont une fausse bonne idée
En ce moment, la période qui précède l’élection présidentielle de 2012 est presque habitée à
gauche par la primaire organisée par le Parti socialiste et à droite par la question de la candidature
ou non du président de la République sortant.
Nous voudrions nous interroger sur le sens de l’élection primaire – qui est aussi, en quelque sorte,
celui du processus engagé à droite autour de la question de la candidature du président sortant.
C’est que ces deux faits ont une première signification commune : l’un et l’autre engagent le
processus électoral en quelque sorte par anticipation. La désignation du candidat à droite et à
gauche, compte tenu de la situation particulière (impopularité inédite du président sortant,
processus inédit de désignation du candidat au PS), constitue, en quelque sorte, un processus
préélectoral, une sorte d’élection anticipée, voire de vaste répétition » grandeur nature » du
processus électoral proprement dit.
On notera d’abord que l' » élection primaire « , jusque dans les termes mêmes qui la désignent,
constitue une américanisation de plus des processus politiques et des logiques institutionnelles en
France. En engageant un processus semblable de désignation du candidat socialiste à la
présidentielle, le PS ou Europe Ecologie-Les Verts imitent des logiques politiques en usage aux Etats-
Unis, mais ceci sans s’être interrogé sur la validité et la légitimité de cette importation dans la vie
politique de notre pays.
Cette imitation – ou, si l’on préfère, cet » emprunt » – exprime deux manques. Le premier est une
insatisfaction devant les logiques politiques et institutionnelles de notre pays, une insatisfaction
du même ordre que celle qui est exprimée, par exemple, par le projet de refonte des institutions
formulé par Arnaud Montebourg ou par l’expression d’identités politiques nouvelles, comme le
Parti de gauche. Le second manque que manifeste, selon nous, l’organisation de la primaire est
l’absence de candidat légitime au PS ou à Europe Ecologie-Les Verts.
Quand François Mitterrand est candidat en 1974, puis en 1981, il l’est à la suite d’un affrontement
avec Michel Rocard, mais cet affrontement a lieu au sein du parti, ce qui fait qu’il n’est pas mis sur la
place publique, et, surtout, le choix du candidat à l’élection lui donne une autorité incontestable
dans l’espace politique. Aujourd’hui, s’il y a une primaire, c’est que personne, au PS ou ailleurs, ne
peut revendiquer une légitimité indiscutable pour représenter la gauche à l’élection présidentielle.
Par ailleurs, il convient d’observer que les élections primaires ont lieu, aux Etats-Unis, dans un
système politique différent du nôtre. Contrairement à ce pays, dont la vie politique est structurée
selon le bipartisme, la France connaît une pluralité de partis pour exprimer les identités politiques,
et l’élection primaire n’a pas lieu d’être organisée, puisque c’est entre les partis que s’expriment les
oppositions qui, aux Etats-Unis, s’expriment au cours du débat des élections primaires. En ce sens, la
primaire risque de faire apparaître une confusion dans le débat électoral, et les électeurs risquent de
ne pas comprendre le sens du processus électoral.
D’autre part, et cela est lié à cette forme de confusion, le fait que la primaire soit ouverte à
n’importe quel électeur adhérant à un projet de gauche risque d’entraîner une confusion et une
perte de signification des engagements politiques. Si l’élection primaire est ouverte à n’importe qui,
alors, finalement, à quoi servent les partis politiques ?
Or il se trouve que, dans notre pays, c’est dans les partis que se sont toujours élaborés les projets
politiques, et ce sont les partis qui, fondés sur l’engagement de leurs militants, humbles militants
pénétrés d’idéal, disait François Mitterrand, ont toujours constitué les acteurs majeurs des pouvoirs
et des confrontations politiques. La primaire risque de substituer l’antagonisme entre les personnes
à la formulation des projets politiques des partis. Cette absence de projet semble, d’ailleurs, se
manifester à droite.
Enfin, même si cela a été dit, écrivons ici de nouveau qu’un défaut majeur des élections primaires
est d’accentuer la personnalisation du fait politique. En ce sens, la primaire accentue, d’abord,
l’aspect de jeu, voire de feuilleton, de la vie politique. On suit le déroulement de la primaire de la
même façon que l’on suivrait une compétition. La compétition électorale, qui a, depuis
l’instauration, en 1962, de l’élection présidentielle au suffrage universel, un caractère personnalisé
accru avec le développement de l’importance de l’audiovisuel, va connaître une personnalisation
aggravée avec l’élection primaire qui va finir par remplacer le débat entre les projets par
l’antagonisme entre les personnes. C’est, d’ailleurs en ce sens que la mésaventure survenue aux
Etats-Unis au directeur général du FMI a pris une importance démesurée du fait de la
personnalisation de l’élection présidentielle et du fait de la primaire et de la » feuilletonnisation » à
laquelle elle conduit.
Mais cette accentuation de la personnalisation de la vie politique, en même temps que la perte de
visibilité de l’importance des projets des candidats, a encore un défaut majeur : elle nous fait courir
le risque de la dépolitisation des débats publics. On finit par oublier qu’il s’agit, dans l’élection, du
processus de désignation du candidat exprimant le mieux le projet d’un parti ou d’une identité
politique, qu’il s’agit, en définitive, de choisir celui qui, pendant cinq ans, sera le président de la
République, et, ainsi, représentera notre pays.
On finit par oublier que l’enjeu du choix du président est bien de savoir si les électeurs choisissent,
finalement, un projet politique de gauche ou un projet politique de droite. On finit par oublier qu’il
ne s’agit pas d’un jeu ou d’une série télévisée, mais qu’il s’agit d’un débat politique, projet contre
projet.
Le risque est grand, dans ces conditions, que, comme à une élection présidentielle encore récente
(c’était il y aura dix ans juste), la perte de signification de l’opposition politique entre la gauche et la
droite n’entraîne la réduction du débat et de la confrontation électorale à une confrontation entre
une droite et une droite plus extrême, plus dure. Le processus de la primaire risque de conduire à la
confusion des débats et des confrontations, à un véritable chaos des identités politiques, entraîné
par le fait que, dans le cours de la primaire, on ne sait plus ce qui caractérise et ce qui définit
l’identité socialiste.
Mais peut-être, finalement, le sens de la primaire est-il à chercher ailleurs, dans une forme de
dynamique inconsciente de la culture politique du PS. L’organisation de la primaire semble signifier
que ce parti se trouve plongé, aujourd’hui, dans une dynamique d’absence et de perte d’identité,
dans une dynamique de perte de visibilité et de clarté des engagements politiques. Le recours à la
primaire semble signifier que, pour le PS, aujourd’hui, le charisme des candidats, pour parler
comme le député européen socialiste Henri Weber, et la légitimité des engagements et des projets
manquent à ce point que le parti transfère aux électeurs le soin de choisir à sa place le candidat qui
représente son identité dans le débat politique.