Le Monde
Politique, mercredi 24 août 2011, p. 12
ENTRETIEN
Jean-Luc Mélenchon : » La dette est un prétexte, on cherche à faire peur »
Jean-Luc Mélenchon en est persuadé : face à la crise, il faut une rupture. Le candidat du Front de
gauche – alliance du PCF, du Parti de gauche et de la Gauche unitaire – estime que la crise
économique est » porteuse d’une crise de civilisation » sans précédent. Le défi de 2012 est donc de »
hisser les réponses au niveau de l’enjeu « , assure le député européen, qui en fait » une exigence
morale et politique « . Foin de compétition de personnes et de chapelles; il faut des réponses pour
sortir de la crise » la 5e puissance économique du monde « .
A trois jours du rendez-vous militant estival du Front de gauche, appelé » remue-méninges « , du 26
au 28 août à Grenoble (Isère), M. Mélenchon fustige la politique de Nicolas Sarkozy qui conduit,
selon lui, à plonger le pays dans la récession. Il se démarque aussi des principaux leaders socialistes
en dénonçant leur » logique de soumission » aux règles du marché.
Après l’échec du sommet européen, la dépression boursière se poursuit. Comment analysez-vous la
situation ?
C’est tout le système qui est en crise. Mais, à cet instant, l’Europe a les moyens d’éteindre l’incendie
spéculatif. Il suffit que la Banque centrale européenne (BCE) prête aux Etats aux taux où elle prête
aux banques. Les Etats ne seraient alors plus obligés de faire appel aux marchés financiers à des
taux prohibitifs. Ensuite, il faut instaurer l’harmonisation sociale et fiscale et le protectionnisme
européen.
Je propose en particulier la mise en place des visas sociaux et écologiques pour toute marchandise
entrant dans l’Union et l’instauration d’une souveraineté économique qui interdise les
délocalisations dans tous les cas où cela aboutit à la perte d’un savoir-faire ou à la destruction d’une
zone de production. Tel est le prix de la survie pour l’Union européenne. Sinon elle s’effondrera.
Vous ne croyez pas que les eurobonds peuvent être un moyen de sortir de la crise ?
C’est une solution de temps calme qui peut servir à financer les grands travaux ou des outils de
développement. Pas en pleine crise spéculative : ils ne peuvent la juguler. Et puis c’est une
dépendance de plus à l’égard des marchés.
La crise bancaire a révélé l’ampleur de l’endettement de la France. Comment s’en défaire ?
La dette est un prétexte. De même qu’on a attaqué les retraites en produisant des chiffres
invraisemblables, la description de la dette ne cherche qu’à faire peur. Les indicateurs proposés nous
présentent le stock de la dette française – 1 640 milliards d’euros – en rapportant cette somme à la
richesse produite annuellement. C’est un calcul aberrant qu’on ne fait pour aucune entreprise ou
ménage.
Imaginez qu’on compare ce que vous devez pour l’achat de votre appartement à votre revenu
annuel ! Selon les statistiques du Trésor public, un titre de dette français a une durée moyenne de
sept ans et trente et un jours. Il faut donc rapporter la dette française à la capacité de production du
pays pendant cette durée : 14 000 milliards d’euros. Alors le stock de la dette rapporté au PIB sur
sept ans est de 12 %.
Ce qui pèse, c’est le service de la dette, les 50 milliards payés chaque année par la France. Et là il n’y
a aucun risque qu’il ne soit pas honoré car l’Etat collecte 250 milliards d’impôts par an.
Vous refusez toute règle d’or. Pourtant les socialistes semblent se résoudre à un retour à un déficit
ne dépassant pas les 3 %…
Bien sûr que je suis contre ! C’est une règle rigide qui oblige à une purge sans précédent pour le
pays. Le ralliement des socialistes à cette politique d’austérité est une capitulation sidérante.
Alors que le projet socialiste prévoyait un retour aux 3 % de déficit public sur une mandature,
François Hollande a annoncé qu’il voulait ramener le délai à 2013 et Martine Aubry lui emboîte le
pas. C’est la ligne Papandréou : aucune résistance face au capital et à la spéculation ! Ils ouvrent une
fracture dans la gauche qui va la diviser.
Fort heureusement, il y a des voix qui s’opposent. J’ai entendu Europe Ecologie-les Verts, qui
dénonce comme nous l’oligarchie ou la politique de la BCE. Ou le socialiste Arnaud Montebourg,
dont la résistance est précieuse.
A gauche, le débat ne pourra pas faire l’économie de la stratégie face aux banques et au système
financier international. Aucun engagement n’a de sens si on ne dit pas comment on va empêcher le
système financier, par la dégradation de la note de notre pays, d’interdire toute politique autre que
celle de l’austérité.
Mais il faut bien sortir de l’endettement. Comment faites-vous ?
Soit on comprime les dépenses, soit on augmente les recettes. La première solution, qui serait de
réduire les dépenses de l’Etat de 50 milliards d’euros, signifie un appauvrissement général du pays et
une contraction de l’activité économique – dans la mesure où l’Etat est le premier financeur -, donc
une baisse de recettes et donc un endettement plus grand.
C’est ce qui arrive aux Grecs comme nous l’avions annoncé. Les voilà condamnés à une austérité
sans fin. Ici, c’est pareil : les partisans de l’austérité sont en train d’annoncer au peuple une
génération de sacrifices absurdes. Avec l’argument de la dette, les libéraux ont trouvé un moyen de
surexploitation inouïe des peuples.
Comment trouvez-vous de nouvelles recettes en période de récession ?
En prenant l’argent là où il est : on augmente les impôts des plus riches et des grandes sociétés.
Premièrement, nous taxerons les revenus du capital comme le sont ceux du travail. Aujourd’hui, les
revenus du travail sont imposés à 40 % contre 18 % pour ceux du capital. L’égalité de contribution
de tous les revenus au bien commun est pour moi la piste centrale. Selon les prévisions de Patrick
Artus, de Natixis, cela rapporterait 100 milliards d’euros supplémentaires, soit deux fois le service
de la dette. La deuxième piste, c’est l’augmentation très forte des tranches supérieures de l’impôt.
Je rappelle que sous Roosevelt, la dernière tranche était taxée à 90 % et à 65 % en France en 1981.
Aujourd’hui, elle est tombée à 40 % !
Je propose donc la création de quatorze tranches d’imposition (contre cinq aujourd’hui) et que la
dernière tranche soit taxée à 100 %. Nous posons ainsi la règle qu’il y a une limite à l’accumulation.
Cette dernière tranche toucherait les revenus de 360 000 euros annuels, c’est-à-dire 20 fois le
revenu médian du pays et ne concernerait que 0,05 % des contribuables… Aucune société humaine
ne peut vivre dignement si une partie de ses membres sont des prédateurs sans borne.
Enfin, l’harmonisation de la taxation des entreprises dans notre pays. Il n’est pas juste que les
grands groupes du CAC 40 soient taxés au quart de ce que payent les petites sociétés. Avec ces
propositions, je veux m’adresser à tous les productifs : les petites entreprises menacées de mort par
les conditions léonines des prêts bancaires et l’asphyxie de l’activité économique. Et les salariés
agressés dans leur quotidien par la politique d’austérité. Le Front de gauche s’adresse à tous pour
protéger et développer notre France, celle du travail.
Propos recueillis par Sylvia Zappi
Libération
France, mercredi 24 août 2011, p. 13
Récit
Front de gauche : Mélenchon à corps et à crise
A la veille des journées de son Parti de gauche, le candidat à la présidentielle occupe le terrain
médiatique alors que la chute des Bourses redonne du souffle à ses thèses anticapitalistes.
Lilian Alemagna; Par lilian alemagna
Al’heure d’attaquer la rentrée, Jean-Luc Mélenchon est déjà chaud. Le candidat du Front de gauche à
la présidentielle avait prévu pour ses vacances, de «faire la sieste» et des «barrages» entre amis dans
une rivière pendant que ses ex-camarades du PS feraient «toutes les bêtises du monde». Loin de
l’eau, le député européen a finalement «nomadisé» dans le Midi, «mais je n’ai pas pu décrocher»,
confie-t-il à Libération. La faute à qui ? A la crise…
«Le mot crise ne décrit pas du tout la situation, reprend-t-il. Le système est atteint dans tous ses
compartiments. C’est une bifurcation de l’histoire : l’effondrement d’un type de modèle capitaliste
et la fin du leadership des Etats-Unis d’Amérique.» Rien que ça. Jean-Luc Mélenchon avait aussi
prévu de lâcher le clavier et laisser respirer son blog. Las. La chute des bourses l’a fait replonger : «Je
me le devais pour les 5 000 lecteurs qui venaient chaque jour, justifie-t-il en plaisantant : Je ne sais
pas ce qu’ils faisaient là en plein été ! Peut-être le mauvais temps…»
«salaire maximum». Avant d’aller prendre le frais dans les Alpes, remuer ses méninges tout le weekend
à Grenoble avec les militants de son Parti de gauche (PG) et dire bonjour vendredi à ses alliés
communistes réunis en université d’été aux Karellis (Savoie), Jean-Luc Mélenchon a repris son rythme
médiatique. Soutenu. Objectif, marteler ses propositions anticrise : «Premièrement, nous taxerons
les revenus du capital comme le sont ceux du travail, a-t-il répété dans une interview dans Le Monde
daté de mercredi. Aujourd’hui, les revenus du travail sont imposés à 40% contre 18% pour ceux du
capital.» Sa mesure, dit-il, «rapporterait 100 milliards d’euros supplémentaires» soit deux fois ce qu’il
faut pour payer les intérêts de la dette. Sur le terrain du «partage des richesses», Mélenchon
s’emploie à défendre sa proposition de «salaire maximum» – «pas de salaire supérieur à vingt fois le
salaire le plus bas dans chaque entreprise» -, et son «revenu maximum», soit la «taxation progressive
des revenus jusqu’à 100% à partir de 30 000 euros mensuels». Et «pour éteindre l’incendie
spéculatif» de la zone euro, Mélenchon défend la possibilité pour la Banque centrale européenne de
pouvoir «prêter aux Etats aux taux où elle prête aux banques», une «harmonisation sociale et
fiscale» des pays de l’UE et un «protectionnisme européen» avec «visas sociaux et écologiques pour
toute marchandise».
Période de crise oblige, le ton de l’ancien sénateur est grave. Mais il sourit lorsqu’on lui fait
remarquer que certaines des idées qu’il défend ont fait l’actualité de l’été. «On voit que chemine
sous le fouet de la contrainte des idées qui n’appartenaient qu’à nous ! Ce que ça a pu me mettre de
bonne humeur de voir les riches mis en cause après m’être fait traiter de tous les noms !» dit-il à
Libération.
Surtout, la crise redonne du souffle à ses salves tirées en direction de François Hollande et Martine
Aubry : «Ils ont cédé ! Ils ont capitulé !, s’enflamme-t-il. Comment comptent-ils arriver à un déficit
de 3% du PIB en 2013 avec une prévision de croissance à 2,5% qui ne veut rien dire ? Soit ils
choisissent l’austérité, soit ils remplissent les caisses en tapant le capital.»
«black-out». Autre motif de satisfaction du candidat : il voit apparaître un «pôle de résistance» avec
Eva Joly chez les écologistes et Arnaud Montebourg et sa «démondialisation» dans la primaire PS.
Problème : Mélenchon joue toujours les seconds rôles dans cette campagne. Toujours coincé au
même palier de popularité : 25% d’opinions positives et près du double de négatives. De quoi
s’inquiéter après un décollage de candidat pourtant réussi en juin. Autre difficulté : exister cet
automne lors de la primaire PS. «La primaire sature l’espace médiatique d’une manière
insupportable ! s’insurge le député européen. Le système médiatico-politique met en place une
espèce de black-out comme pour le oui.»
Rejouer le coup de la campagne du référendum européen de 2005 et la victoire du non ? Mélenchon
et les communistes en rêvent. Faire tourner à plein les réseaux sociaux, associatifs et syndicaux pour
passer, mi-septembre, programme en main, à une nouvelle phase de sa campagne lors de la Fête de
l’Humanité du PCF à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). «Je veux inspirer le sentiment de force et de
détermination. Ça peut vous paraître lyrique mais je suis absolument convaincu que l’intervention
populaire dans le champ politique est devenu inéluctable», prédit Mélenchon. Il se voit en
«défricheur», et sait que «la lutte sera dure.» Mélenchon est déjà bouillant.
Le Figaro, no. 20857
Le Figaro, mercredi 24 août 2011, p. 4
France Politique
Le « pari communiste » de Pierre Laurent
Le numéro un du PCF publie un livre dans lequel il précise sa stratégie vis-à-vis de Jean-Luc
Mélenchon en vue de 2012.
Sophie de Ravinel
GAUCHE Pierre Laurent ne ménage pas ses ambitions. Élu secrétaire national en juin 2010, il veut
débarrasser le Parti communiste français des oripeaux du XXe siècle pour en refaire « un acteur
majeur de la vie politique nationale ». Le successeur de Marie-George Buffet publie un livre, Le
Nouveau Pari communiste (Cherche Midi), vendu 10 eur. Comme celui de Jean-Luc Mélenchon, Qu’ils
s’en aillent tous, qui fut un succès…
Laurent voudrait bien faire mentir ceux qui voient le PCF se dissoudre dans l’alliance avec Mélenchon,
coprésident du Parti de gauche, désigné par les militants communistes comme leur candidat au sein
de la coalition du Front de gauche. Ne pas avoir de candidat issu de ses rangs est un lourd défi à
relever pour un parti qui a réalisé moins de 2 % en 2007. Son université d’été, aux Karellis (Savoie)
ce week-end, en même temps que celle du PS à La Rochelle, coïncide aussi avec celle du Parti de
gauche qui se tient non loin de là, à Grenoble. Même si deux meetings communs sont prévus,
vendredi soir et dimanche matin, chacun conserve son pré carré.
« L’humain d’abord »
Récemment désigné président du conseil national de campagne du Front de gauche, Pierre Laurent
doit donc rappeler ses forces militantes : 130 000 adhérents revendiqués et 10 000 élus locaux. Et
préciser que la campagne présidentielle se fera conjointement avec celle des législatives. Le PCF,
souligne-t-il, prévoit de « revenir à la prééminence des élections parlementaires en les démocratisant
». Une évolution qui serait rendue possible par la refonte des institutions dans une VIe République.
Dans son livre, Pierre Laurent s’en prend vivement à Nicolas Sarkozy. « Un second mandat Sarkozy
serait un cauchemar », juge-t-il. Pour autant, il ne voit pas la partie gagnée, malgré les sondages. «
Déloger Nicolas Sarkozy et les siens, et surtout sa politique, ne sera pas facile », écrit-il. Laurent
espère donc que la gauche sera à la hauteur. En particulier pour « la première grande bataille avant
2012 », celle contre la « règle d’or » voulue par le chef de l’État. Si elle devait être adoptée, ce serait
« l’austérité à perpétuité et les pleins pouvoirs aux marchés financiers ». Objectif, donc : « que pas
une voix de gauche ne manque pour rejeter ce projet » alors que Laurent voit déjà qu’au PS certains
« ont les genoux qui flanchent »
« L’humain d’abord et plus les marchés financiers » : tel est le titre du programme « partagé » du
Front de gauche, qui sera présenté à la Fête de l’Humanité, les 17 et 18 septembre.
Pierre Laurent, « Le Nouveau Pari communiste », Cherche Midi, 120 pages, 10 eur.
Le Monde.fr
Mercredi 24 août 2011
Pour Jean-Luc Mélenchon, « c’est tout le système qui est en crise »
Jean-Luc Mélenchon est parti en campagne. A trois jours du rendez-vous estival du Parti de gauche
(PG), les 26, 27 et 28 août à Grenoble (Isère), le candidat du Front de gauche – alliance électorale du
PCF, du PG et de la gauche unitaire – plaide pour une rupture face à la crise.
Il estime ainsi, dans un entretien au Monde, que « c’est tout le système qui est en crise ». Pour faire
face, il propose « la mise en place de visas sociaux et écologiques pour toute marchandise entrant
dans l’Union » ainsi que « l’instauration d’une souveraineté économique qui interdise les
délocalisations dans tous les cas où cela aboutit à la perte d’un savoir-faire ou à la destruction d’une
zone de production ». C’est, à ses yeux, « le prix de la survie » de l’Union européenne.
L’eurodéputé ne cesse aussi de dénoncer la manière dont la dette est présentée aux Français. « C’est
un prétexte », voire une manipulation : « La description de la dette ne cherche qu’à faire peur », assuret-
il, contestant le calcul qui rapporte la dette au PIB annuel. »C’est un calcul aberrant, qu’on ne fait
pour aucune entreprise ou ménage », soutient-il. Il faut, selon lui, »rapporter la dette française à la
capacité de production du pays », sur sept ans et trente-et-un jours, durée moyenne d’un titre dette
français.
Réfutant toute règle d’or – règle budgétaire de limite du déficit à 3 % du PIB que le gouvernement
veut inscrire dans la Constitution – le président du PG fustige l’attitude des socialistes. « C’est une
règle rigide qui oblige à une purge sans précédent pour le pays. Le ralliement des socialistes à cette
politique d’austérité est une capitulation sidérante », tacle-t-il.
A ses yeux, la présidentielle de 2012 doit être l’occasion de revenir sur la stratégie de la gauche visà-
vis des banques et du système financier : « Aucun engagement n’a de sens si on ne dit pas
comment on va empêcher le système financier, par la dégradation de la note de notre pays,
d’interdire toute politique autre que celle de l’austérité », assure le candidat. Jean-Luc Mélenchon
prône, pour sortir de la crise et de sa spirale descendante, une augmentation forte des impôts
touchant les riches et les entreprises. Une manière encore de se démarquer des socialistes, qu’il juge
trop frileux.
Lire l’intégralité de l’entretien avec Jean-Luc Mélenchon dans l’édition abonnés ou dans le journal
daté du mercredi 24 août, disponible en kiosques à partir de 14 heures.
LE MONDE pour Le Monde.fr Sylvia Zappi
La Tribune (France), no. 4792
Économie | France, mercredi 24 août 2011, p. 5
En bref
Présidentielle : Jean-Luc Mélenchon propose un » protectionnisme européen » et une réforme de la
fiscalité
Le candidat du Front de gauche a dévoilé mardi ses propositions pour faire face à la crise
économique. Idée phare : instaurer un » protectionnisme européen » via la » mise en place de visas
sociaux et écologiques pour toute marchandise entrant dans l’Union (européenne) « . Jean-Luc
Mélenchon propose également la création de 14 tranches d’imposition dont la dernière
concernerait les revenus de plus de 360.000 euros annuels et serait » taxée à 100 % « .
Midi Libre
CATALAN_ML; LOZERE; RODEZ_ML; MILLAU; CARCA_ML; NARBONNE_ML; ALES; GARD_RHOD;
NIMES; BEZIERS; SETE; LODEVE; LUNEL; MONTPELLIER
Mercredi 24 août 2011
Mélenchon décapant
Jean-Luc Mélenchon a des idées et il le fait savoir. Décapant, comme à son habitude, il proposait
hier son catalogue de recettes pour juguler la crise et redresser la France et l’Europe. Le candidat du
Front de gauche propose notamment un « protectionnisme européen ». Il s’agirait de mettre en
place « des visas sociaux et écologiques pour toute marchandise entrant dans l’UE ». Serait aussi
instaurée « une souveraineté économique qui interdit toutes les délocalisations si cela aboutit à la
perte d’un savoir-faire où à la destruction d’une zone de production ».Pour sortir de l’endettement,
« il faut prendre l’argent là où il est : on augmente les impôts des plus riches et des grandes sociétés
».
Il souhaite « taxer les revenus du capital comme le sont ceux du travail ».
Mais il veut surtout créer « 14 tranches d’imposition, dont la dernière taxée à 100 % ».
Elle toucherait « les revenus de 360 000 â?¬ annuels » (20 fois le revenu médian).
Enfin, Mélenchon est pour « l’harmonisation de la taxation des entreprises ».
Mais il rejette le retour au déficit inférieur à 3 % du PIB, d’ici à 2013, comme le proposent Aubry et
Hollande. Et il les accuse « d’ouvrir une fracture dans la gauche, qui va la diviser ».
l’Humanité
Cuisine, mercredi 24 août 2011
Question d’efforts
Par Paule Masson
Si la France ne parvient pas à rassurer les marchés financiers, nous dit-on, elle risque de perdre sa
bonne note, un triple A, et de plonger dans la spirale destructrice d’un endettement qui pourrait
mener au défaut de paiement. Comme un chien derrière son maître, le gouvernement obéit aux
injonctions des agences de notation. Il suffit que l’une d’elles évoque la possible perte de ce sacrosaint
AAA pour qu’un train de rigueur budgétaire s’ébranle. Mais il n’y aura pas de sucre en retour.
L’appétit des investisseurs pour l’argent, le retour sur investissement, est sans fin. C’est là une des
leçons de cette crise qui n’en finit pas. À huit mois de l’élection présidentielle, la politique se
grandirait à porter un autre dessein que celui de la soumission aux marchés financiers.
Le gouvernement, l’UMP se délectent d’un débat qui tourne en rond dans un cadre étroit : pour ne
pas perdre la confiance des investisseurs, la France devrait ramener son déficit public à 3 % d’ici à
2013 et trouver 10 milliards d’euros d’ici 2012. Le Parti socialiste accepte ce postulat de départ.
Même s’il revendique une réforme fiscale qui mette davantage à contribution les revenus du capital,
Martine Aubry le répète, il va falloir « partager les efforts ». La question est-elle de « partager »
quand les revenus du travail sont plus taxés que les autres, quand le niveau de chômage est
historiquement élevé, quand l’évolution des salaires est au point mort…
Depuis 2008, les salariés ont largement payé leur tribu à la crise. Les contribuables ont bouché tous
les trous, ceux des banques notamment, et les riches se partagent à nouveau les profits ! C’est
tellement flagrant que l’opinion publique commence à réclamer des têtes. Selon un sondage Ifop
publié hier, 95 % des Français plébiscitent une taxe spécifique sur les hauts revenus. Les patrons
sont aujourd’hui obligés de reconnaître qu’ils ont été largement épargnés par la crise. Toutes les
réformes fiscales du gouvernement leur ont été favorables, creusant le déficit budgétaire qu’il faut
combler aujourd’hui. Alors, oui, il est temps qu’ils mettent la main à la poche. Mais pas en se
contentant de jeter négligemment un pourboire sur le bord du comptoir.
Donnant suite à la proposition de Maurice Levy, PDG de Publicis et président de l’Association
française des entreprises privées, 16 grands patrons français, dont Liliane Bettencourt, publient un
texte dans le Nouvel Observateur dans lequel ils se disent prêts à verser une « contribution
exceptionnelle » pour participer à l’effort de solidarité. Les « très riches » veulent bien payer, mais «
dans des proportions raisonnables », donc un peu, et de manière exceptionnelle, donc une seule fois.
Les patrons s’achètent une bonne conscience pour pas cher (de 150 à 300 millions d’euros) et
Nicolas Sarkozy s’empresse de suivre le mouvement pour tenter de donner le change sur une
certaine équité fiscale.
Autant le dire, cela ne fait pas le compte mais puisque la porte s’entrouvre, pourquoi ne pas l’ouvrir
en grand, pour, comme l’a réclamé hier Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche, «
prendre l’argent où il est », et pousser les feux d’un débat sur un partage équitable des richesses, qui
enclenche un cercle vertueux de sortie de crise. Tout le contraire de l’austérité.
Il est temps que les grandes fortunes mettent la main à la poche, mais pas en se contentant de jeter
négligemment un pourboire sur le bord du comptoir.