N° 3 – 2 novembre 2011
L’agriculture, le G20 et les NationsUnies
recettes libérales et questions de légitimité
Quand il ne sera pas occupé à faire pression sur la Grèce pour qu’elle renonce à donner la voix au
peuple, le G20 qui s’ouvre le 3 novembre à Cannes validera notamment les conclusions du G20
agricole de juin dernier sur la volatilité des prix alimentaires et l’alimentation. La volatilité des prix
agricoles et alimentaires affecte à la fois les consommateurs et cas de flambées des prix et les
producteurs en cas de chute des prix. Alors que Nicolas Sarkozy avait annoncé le retour de la
question de la régulation des marchés, il n’en est rien :
• le dogme libéral de la concurrence libre et non faussée a été rappelé, le G20 appelant à la
conclusion du cycle de Doha de l’OMC et à ce que l’ensemble des pays renonce à leur
souveraineté alimentaire (condamnation des politiques nationales de protection et de régulation
des marchés agricoles),
• les agriculteurs, les autres acteurs économiques et les Etats eux‐mêmes sont appelés à faire
appels aux outils privés de gestion du risque agricole (marchés à terme, assurances privées),
• au niveau international, les mécanismes envisagés, s’ils peuvent avoir une certaine utilité
(système d’information permettant une meilleure connaissance de la réalité des marchés
agricoles, mécanisme de coordination entre Etats en cas de crise, dispositions sur les marchés
financiers agricoles) ne sauraient se substituer à une véritable coopération internationale pour
mettre en place des stocks régulateurs au bénéfice de la sécurité alimentaire mondiale.
Les questions agricoles internationales devraient être traitées dans le cadre des Nations‐Unies, et
non dans le club des dirigeants des grands pays riches et émergents qui n’a aucune légitimité pour
prendre des décisions concernant l’ensemble de l’Humanité. De plus, ces questions doivent être
avant tout abordées sous l’angle de la sécurité alimentaire. C’est pourquoi le droit à la souveraineté
alimentaire des Etats et des régions doit être reconnu et les questions globales devraient être
traitées par le Comité pour la Sécurité Alimentaire (CSA) des Nations‐Unies et non dans le cadre de
l’OMC. De plus, le CSA constitue une exception dans le système des Nations‐Unies : les organisations
de la « société civile » (organisations paysannes, ONG, etc.) sont formellement impliquées dans les
négociations, ce qui permet de faire entendre d’autres voix. Il dispose également d’un groupe
d’experts ‐dans lequel la société civile est représentée‐ qui a, jusqu’à présent, fait preuve d’une
véritable indépendance par rapport à l’idéologie néo‐libérale dominante.
Le CSA s’est réuni à Rome du 17 au 22 octobre. Sur la question de la volatilité des prix agricoles et
alimentaires, il n’a malheureusement pas pris ses distances avec cette idéologie. Il n’a pas suivi les
importantes recommandations du groupe d’experts (qui soulignait la nécessité de travailler sur la
question des stocks, d’envisager des politiques publiques à partir des réalités locales et non du
dogme de l’OMC, de supprimer les subventions aux agro‐carburants, etc.). Sur la question de la
volatilité des prix, le CSA s’est globalement contenté de recommander l’adoption des conclusions du
G20. Sur d’autres questions (questions foncières, place des femmes, etc.), on note par contre des
avancées en vue de garantir le droit à une alimentation pour tous. Quoiqu’il en soit, il apparait
important de renforcer cette instance qui, à terme, peut constituer un espace légitime pour définir
une stratégie mondiale pour la sécurité alimentaire.
Les propositions du Front de Gauche
pour la sécurité alimentaire mondiale
Avec la libéralisation de l’agriculture impulsée par, les organisations financières internationales,
l’OMC, l’Union européenne et les entreprises multinationales, des centaines de millions d’agriculteurs
produisant avec des différentiels de productivité considérables sont mis en concurrence sur un même
marché mondialisé. De ce fait, l’agriculture paysanne se trouve dans de nombreux pays dans une
situation de crise économique, sociale et écologique aigüe, l’exode rural et la pauvreté urbaine se
répandent, les pays n’assurent plus leur sécurité alimentaire. Ces pays –et plus particulièrement leurs consommateurs pauvres‐ deviennent alors les premières victimes des flambées des cours mondiaux comme celle à laquelle on assiste aujourd’hui. L’insécurité alimentaire risque encore de s’accroître au cours des prochaines décennies avec la croissance démographique, l’évolution des modes de consommation, l’impasse écologique du mode de production agricole dominant et la concurrence des agro‐carburants. Il est urgent pour chaque pays de réduire sa dépendance et sa vulnérabilité vis‐à‐vis des marchés mondiaux, en privilégiant sa propre agriculture et en misant sur ses paysans. C’est pourquoi, la France défendra au niveau international la reconnaissance, pour tous, du droit à la souveraineté alimentaire–droit des Etats et des peuples à organiser, soutenir et protéger leur agriculture en fonction de leurs propres objectifs de sécurité alimentaire.
A ce titre, la France :
1. dans le cadre de la défense de la reconnaissance du droit à la souveraineté alimentaire, s’opposera et utilisera, chaque fois que possible, du droit de veto‐ à la conclusion du cycle de Doha de l’OMC, à la signature des accords de libre‐échange (notamment les APE) négociés par l’Europe et à toutes les pressions exercées sur les pays du Sud pour libéraliser leurs marchés (FMI, Banque Mondiale, conditionnalités de l’aide au développement) ;
2. Oeuvrera pour la sortie de l’agriculture de la logique de libéralisation imposée par l’OMC et
pour le remplacement de cette dernière par une nouvelle organisation mondiale de
l’agriculture et de l’alimentation dans le cadre des Nations‐Unies, afin de :
• soutenir le développement de marchés communs régionaux ;
• réguler les marchés mondiaux et lutter contre la volatilité des prix, notamment au
moyen de stocks publics et de la prohibition de la spéculation financière sur les
produits agricoles ;
• mettre en oeuvre un plan agricole et alimentaire mondial ;
• promouvoir la relocalisation de l’agriculture et la mise en oeuvre de systèmes de
production agricole respectueux de l’environnement et des territoires ;
• combattre les phénomènes d’accaparement des terres aux dépens des familles
paysannes et des populations locales ;
3. Défendra l’inclusion d’une clause de respect de la souveraineté alimentaire dans une charte
européenne de respect de l’intérêt général des peuples dans tous les accords avec les pays
tiers ;
4. Construira une alliance stratégique avec les Etats du monde engagés dans la défense de la
souveraineté alimentaire et la défense de l’agriculture paysanne ;
5. Impulsera une coopération au développement qui donnera la priorité aux accords avec les
Etats et les régions mettant en oeuvre des politiques de souveraineté et d’indépendance
alimentaires, de protection et de gestion des marchés agricoles intérieurs, de renforcement
des services publics et de soutien à l’agriculture paysanne, notamment quand ces Etats et
régions devront affronter les pressions des organismes financiers multilatéraux ;
6. Défendra une politique agricole commune (PAC) cohérente avec l’objectif de souveraineté
alimentaire : le marché européen sera protégé, la production sera principalement centrée sur
les besoins du marché intérieur, l’Europe renoncera à utiliser les soutiens directs ou indirects à
l’agriculture pour exporter sur les marchés mondiaux (dumping).
De plus, afin de promouvoir la transition écologique de l’agriculture à l’échelle mondiale, la
France :
7. défendra le principe de la non‐brevetabilité du vivant et la création d’un mécanisme juridique
international de protection des ressources génétiques et de reconnaissance du droit des
paysans à les utiliser librement ;
8. promouvra l’évolution des programmes de recherche et de conseil, au service du
développement de l’agriculture paysanne et de sa transition écologique, en s’appuyant
principalement sur la valorisation de ses savoir‐faire et sur l’échange de pratiques.
Actualités
Salon Marjolaine
Parc floral de Paris, samedi 5 novembre, de 10h 30 à 12h 30,
débat sur l’agriculture avec Jean-Luc Mélenchon
candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle
Après la fermeture de l’abattoir de Chatellerault, l’abattoir de Montmorillon en
Indre et Loire est sur le point de fermer. Ces abattoirs sont d’utilité publique ! On ne
peut promouvoir les circuits‐courts, l’agriculture de proximité si les abattoirs sont
supprimés pour les centraliser sur un site. Nous devons nous battre pour que les
éleveurs gardent la possibilité de faire abattre leurs bêtes près de chez eux et la
vendre localement.
Le Front de Gauche de l’agriculture vous invite à diffuser largement cette lettre et à
nous envoyer des témoignages de la campagne pour les prochaines lettres
du FdG de l’agriculture…
Coordonnées du Front de Gauche de L’Agriculture :